La main gauche de la nuit

La main gauche de la nuit

Quatrième de couverture :

Sur Gethen, la planète glacée que les premiers hommes ont baptisée Hiver, il n’y a ni hommes ni femmes, seulement des êtres humains.
Des androgynes qui, dans certaines circonstances, adoptent les caractères de l’un ou l’autre sexe.
Les sociétés nombreuses qui se partagent Gethen portent toutes la marque de cette indifférenciation sexuelle. L’Envoyé venu de la Terre, qui passe pour un monstre aux yeux des Géthéniens, parviendra-t-il à leur faire entendre le message de l’Ekumen ?

Ce splendide roman a obtenu le prix Hugo et a consacré Ursula K. Le Guin comme un des plus grands talents de la science-fiction.

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Mon avis :

Le résumé en quatrième de couverture est trompeur, ou plutôt il s’axe sur un point certes important de l’univers, mais pas sur l’histoire elle-même. Dans La main gauche de la nuit, nous suivons l’Envoyé, nommé Aï ; arrivé sur la planète Gethen il y a déjà deux ans, il a pour mission de créer des liens et de proposer aux Géthéniens de rejoindre l’Ekumen, sorte d’organisation interstellaire regroupant diverses planètes et dont le but est de favoriser les échanges. Et alors qu’il doit bientôt rencontrer le roi Argaven XV, les choses déraillent.
J’ai bien aimé le roman mais je vais commencer par le négatif, dont je vais peut-être beaucoup parler par rapport au reste mais sachez que cela ne m’a pas empêchée d’apprécier ma lecture. Le résumé parle d’androgynie mais c’est plus complexe que cela et, dans le roman, le narrateur parle plutôt d’ « ambisexualité », de « société bisexuée » ou encore d’ « hermaphrodites asexués » (comprendre qu’iels n’ont apparemment pas d’organes sexuels marqués, ce ne sont ni des hommes, ni des femmes). Et l’idée est super, c’est effectivement très novateur (surtout pour l’époque, le roman ayant été publié en 1969), mais ça s’arrête-là puisque, par la suite, par le biais du narrateur, Ursula K. Le Guin prête des traits plus ou moins féminins, plus ou moins masculins aux Géthéniens. Pourquoi pas ? Après tout, le narrateur qui tient ses propos est Terrien donc il peut très bien avoir une vision très normée et binaire des choses. Mais là où j’ai tiqué, c’est que les traits masculins ne sont jamais décrits de façon négative, tandis que les traits féminins… Je vous laisse en juger : ces traits se prêtent à des êtres indolents, retors, et même, page 205 de mon édition : « […] êtres sans nerfs aux grasses chairs molles, avachis ; et avachi s’apparente à vache. » Sympa, non ? Heureusement que ce n’est pas l’essentiel du récit, mais j’ai été surprise qu’une autrice, considérée comme féministe, écrive de telles choses (même s’il est vrai que l’on peut dire que c’est la pensée du narrateur). Dernière point négatif : je n’ai au début pas compris qu’il y avait deux narrateurs ! Celui dont je vous parle depuis tout à l’heure, c’est Aï, l’Envoyé, mais il y a aussi Estraven. Seulement, il n’est pas indiqué qui parle alors je me suis retrouvée un moment perdue : « mais qu’est-ce qu’il fout là ? Je croyais que… »  Je vous donne l’astuce plus bas car j’en ai fini avec le négatif, donc place au positif.
Comme je le dis juste au-dessus, il y a deux narrateurs, Aï et Estraven, dont les récits sont parfois entrecoupés de légendes, de mythes (j’ai adoré ces passages, d’ailleurs). S’il est vrai qu’il n’est pas précisé qui nous parle à tel moment, qui raconte son histoire, il y a toutefois un moyen tout simple de le savoir : Aï raconte de façon classique ses péripéties tandis qu’Estraven tient un journal de bord (il y a donc les dates pour chaque entrée). Je vous invite d’ailleurs, après avoir lu le premier chapitre pour vous immerger, à jeter un œil au tout dernier chapitre qui explique le calendrier géthénien – je n’ai pas tout retenu mais cela m’a permis d’y voir plus clair. Pour en revenir à nos deux narrateurs, qui sont les personnages principaux, j’aurais pu aimé Aï : originaire de la Terre, il est surpris par ce qu’il découvre, il est curieux… Et quoi de plus normal quand on est sur une planète qui nous est inconnue, avec ses mœurs, ses coutumes, ses peuples si différents ? Mais voilà, je vous l’ai dit plus haut, sa vision très binaire et celle, très archaïque, au sujet des femmes, ne m’ont pas plu. En revanche, j’ai beaucoup aimé Estraven. Ce dernier (par facilité, j’emploie le masculin comme dans le roman, mais étant Géthénien, je pense que le neutre aurait été plus approprié) a quelque chose de vraiment attachant et c’est d’ailleurs grâce à lui qu’Aï va évoluer et grâce à lui encore que j’ai apprécié quelque peu l’Envoyé. Quant aux autres protagonistes, il y en a qui intriguent, d’autres que l’on oublie bien facilement, mais dans l’ensemble, j’ai apprécié tous les découvrir.
Pour ce qui est du récit, c’est bien raconté mais j’ai éprouvé comme un flottement un peu avant le milieu du livre : où voulait en venir l’autrice ? Car La main gauche de la nuit débute en nous révélant des manigances, des complots…, puis il y a ce fameux moment de flottement avant de partir sur une sorte de voyage initiatique où les personnages vont apprendre à se connaître, se faire confiance et aller au bout de leurs limites. C’est quand il y a enfin cette sorte d’épopée que j’ai compris. Bien sûr, je savais quel était le but (l’Envoyé doit présenter le projet de l’Ekumen) mais jusque-là, j’avais l’impression d’être perdue, que ça partait dans trop de directions et je ne comprenais plus ce que je lisais. Alors c’est vrai, ce voyage qui change tout a peut-être traîné un peu en longueur. D’un autre côté, j’ai apprécié lire toute cette partie du roman qui isole les personnages, qui les force à cohabiter et à se dévoiler. J’ai trouvé cette aventure extraordinaire car on découvre l’humain non pas dans son enveloppe charnel mais aussi et surtout dans son être, ainsi que sa sensibilité, et j’ai aussi apprécié parce que Le Guin a réussi à me faire ressentir le froid vécu par les héros, parce que j’ai parfois eu peur pour eux. C’est une partie rude, quelques fois contemplative, mais surtout captivante.

La main gauche de la nuit n’aura pas été l’extraordinaire découverte à laquelle je m’attendais. Toutefois, le récit a des qualités indéniables et je compte donc poursuivre ma découverte de l’œuvre de Le Guin d’ici quelques temps. Quoiqu’il en soit, pour être tout à fait honnête, bien que je sois contente d’avoir enfin découvert ce roman, je ne suis pas sûre de le conseiller – en tout cas, pas à tout le monde.
Si vous l’avez lu, qu’en avez-vous pensé ?

La main gauche de la nuit, Ursula K. Le Guin • Titre VO : The Left Hand of Darkness Traduction : Jean Bailhache Le Livre de Poche • 1969 (VO) • 350 pages • 7,70€ • Genre : science-fiction • ISBN : 9782253113164

Ce livre participe au challenge Voix d’autrices.
Ce livre participe au Challenge de l’Imaginaire.

17 réflexions sur “La main gauche de la nuit

  1. Entournantlespages dit :

    Je n’ai encore jamais lu de livres de cette auteure mais il est celui dont j’entends le plus parler. Vu l’univers, peut-être devrais-je commencer par un autre pour me familiariser au style ?
    Pour ce qui est de la représentation féminine, on va dire que c’était en 1969 mais pour une écrivaine dite féministe, c’est vrai que c’est assez bizarre.

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  2. Collectif Polar : chronique de nuit dit :

    Moi j’avoue, ce roman fait partie de mon panthéon.
    Genly Aï est la seule représentation purement terrienne dans le roman et qui plus est un homme avec tous ses attributs. Il est sur cette planète un peu comme une aberration. Et c’est propos sont là pour choquer. C’est une façon de nous mettre face à nos propres références. Notre terre est ainsi normé et le discours misogyne est la norme. Une manière de dénoncer celui-ci !
    Enfin ça c’est ma manière de voir cette lecture.

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