Quatrième de couverture :
Il n’est jamais entré dans un musée, il ne lisait que Paris-Normandie et se servait toujours de son Opinel pour manger. Ouvrier devenu petit commerçant, il espérait que sa fille, grâce aux études, serait mieux que lui.
Cette fille, Annie Ernaux, refuse l’oubli des origines. Elle retrace la vie et la mort de celui qui avait conquis sa petite « place au soleil ». Et dévoile aussi la distance, douloureuse, survenue entre elle, étudiante, et ce père aimé qui disait : « les livres, la musique, c’est bon pour toi. Moi, je n’en ai pas besoin pour vivre. »
Ce récit dépouillé possède une dimension universelle.
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Mon avis :
Etrangement, je n’ai entendu parler d’Annie Ernaux qu’il y a quelques mois, en découvrant le premier volume de la revue La Déferlante. J’ai alors noté dans un coin de mon esprit qu’il faudrait que je découvre un jour cette autrice, et ce jour est venu plus tôt que je ne le pensais : ma sœur avait lu La place en classe de 1ère et gardait le livre dans sa bibliothèque personnelle. Je suis tombée dessus par hasard et je le lui ai donc emprunté. Ce roman a été une véritable découverte pour moi ; comme écrit en quatrième de couverture, il y a en effet quelque chose de très universel dans ce récit.
Dans La place, Annie Ernaux raconte tout simplement la vie de son père et sa mort. Cela dit, à travers cette biographie, c’est de bien plus de choses dont elle nous parle. Et si j’emploie l’adverbe « simplement », ce n’est pas anodin : le roman est écrit avec beaucoup de sobriété, avec des phrases vives et sans fioritures, sans aucun embellissement. C’est le récit et rien d’autre, les souvenirs de l’autrice et rien d’autre. Il n’y a pas de recherche de style, et Ernaux souligne elle-même que c’est une « écriture plate », qu’elle lui vient tout naturellement alors qu’elle couche ces lignes sur le papier. Cela peut dérouter – je l’ai moi-même été en lisant les premières lignes. Pourtant, je pense que c’est en partie ce qui fait de La place un récit universel ; cette histoire, n’importe qui pourrait vous la raconter autour d’une table, en buvant un café ou autre. Mais surtout, c’est ce que beaucoup pourrait écrire pour soi, couchant les souvenirs sur papier. Je dis cela mais ce n’est pas tout à fait juste : il y a dans le texte d’Annie Ernaux quelque chose d’appréciable que le ou la première venue ne pourrait pas transmettre par sa propre écriture. Quoique dépouillé de tout artifice, un certain style est pourtant présent, celui de la sobriété et du dénuement. Il en devient la force du texte et cette sobriété permet au récit de se faire plus présent, plus marquant.
La place débute par le décès du père et, par la suite, l’écrivaine revient sur sa vie au travers de souvenirs éparpillés. Pas de chapitres, juste des sauts de ligne, de ces espaces qui coupent la pensée, de ces espaces qui séparent les bribes que la mémoire et les émotions font ressurgir. A travers la vie de son père, Annie Ernaux nous parle du quotidien d’une famille normande durant le XXe siècle, de ces prolétaires qui cherchent à s’extirper de leur milieu d’origine, souvent modeste, parfois très pauvre. Son père était paysan ; devenu ouvrier, il n’a eu de cesse que de chercher à s’élever dans l’échelle sociale jusqu’à devenir le propriétaire d’un café faisant également office d’épicerie. Parsemé de réussites et d’échecs, La place nous montre les difficultés de la vie, mais aussi ce qui en fait les petits et les grands plaisirs. Le temps passant, à l’histoire de son père se mêle alors celle d’Annie, de fille à femme, poursuivant l’ascension sociale de la famille. Vraiment ? Non, seule elle continue à s’élever tandis qu’une fracture se crée avec son père ; c’est un gouffre qui se crée et s’élargie au fil des années ; l’éducation leur a permis de s’éloigner de leurs origines sociales et, si le père ne voulait pas de cet « héritage du terroir », on sent que, pour Annie Ernaux, il n’y a pas ce désir de cacher d’où elle vient. Sans être une fierté particulière, cela fait simplement partie de l’histoire de sa famille. Et ce n’est pas la première fois que je lis, que j’entends ce genre de chose : les ancien·nes qui veulent s’extirper de leur milieu d’origine et le renient, cachent ce qui est considéré comme une honte et espèrent une vie plus douce.
Ainsi La place est pour moi une bonne découverte. Rien d’extraordinaire dans ce récit, juste le quotidien, l’évolution sociale, la vie d’un homme et de sa famille. Les phrase sont dépouillées de jeux ou de beauté linguistiques, laissant là seulement le souvenir. Aucun doute, je lirai d’autres romans d’Annie Ernaux, en espérant être de nouveau touchée par ses textes.
Bonne lecture à vous.
La place, Annie Ernaux • Folio • 1983 • 114 pages • 5,70€ • Genre : XXe siècle, famille, biographie • ISBN : 9782070377220
Ce livre participe au challenge Voix d’autrices.
Je ne connaissais pas du tout alors merci de la découverte.
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Pourquoi pas, ça a l’air d’être une lecture sympa à lire et je ne connaissais pas du tout 🙂
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Je ne connaissais pas du tout, mais ce que tu dis de la plume et de l’émotion qui en ressort, me touchent particulièrement, alors je note !
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J’espère que ça te plaira 🙂 Bonne future lecture à toi !
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Je ne connaissais pas mais après ja6i beaucoup de mal avec les biographies
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J’avais beaucoup de mal avec les biographies, auparavant, mais le temps passant, et peut-être en tombant aussi sur de bonnes biographies, j’ai appris à les apprécier ^^
Pour ce qui est de « La place », c’est certes une biographie, mais je pense que c’est avant tout un récit universel ; l’écrivaine aurait tout inventé qu’on la croirait tout de même tant c’est possible, réel. Mais bon, là aussi, je comprends qu’on puisse ne pas adhérer à ce genre d’histoire 😉
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Je ne connais pas du tout ^^
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Pas pour moi, mais j’apprécie la découverte !
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J’avais lu Annie Ernaux en prépa, mais je pense que son style ne me convient pas ^^’
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C’était « La place » aussi ?
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Je crois que c’était un titre comme « Les années »
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Je viens de regarder sur le net ; je pense que si tu n’as pas apprécié « Les années », tu n’apprécieras pas beaucoup plus « La place », en effet ^^
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