L’œil le plus bleu

L’œil le plus bleu

Quatrième de couverture :

À Lorain, dans l’Ohio des années 40, deux fillettes noires grandissent côte à côte. La première déteste les poupées blondes. L’autre idolâtre Shirley Temple et repue d’avoir les yeux bleus. Mais face à la réalité féroce d’une Amérique blanche, le rêve de beauté d’une petite fille est un leurre qui ne cède le pas qu’à la folie. Le saisissant premier roman de Toni Morrison.

Mon avis :

Je commence ce retour par quelques TW que je vous laisse surligner si vous voulez les connaître : inceste, viol, pédocriminalité, racisme. Comme ce sont des éléments importants du roman, je vais en parler.

J’ai découvert Toni Morrison avec Beloved ; si j’ai apprécié ce roman, ma lecture s’est toutefois teintée d’amertume, notamment parce que je ne l’ai pas aimé comme les gens qui l’ont encensé. J’avais tout de même la curiosité de découvrir d’autres titres de Morrison et j’ai ainsi lu L’œil le plus bleu.
Cela fait plusieurs semaines que je tente d’écrire un retour sur ce roman, et ce n’est franchement pas simple. Ce n’est pas simple alors même que je l’ai apprécié, mais il faut dire que le sujet n’est pas du tout évident et que ça a été une lecture éprouvante. En effet, L’œil le plus bleu est une histoire de famille, une histoire de violences conjugales, de violences familiales, d’inceste, mais c’est aussi la ségrégation, le racisme. C’est brutal à lire, pourtant c’est raconté avec une certaine douceur, une innocence certaine.
Claudia, qui est la narratrice principale de ce roman, est une petite fille noire qui observe le monde, ne le comprend pas toujours mais s’en fait son idée. Au quotidien, c’est l’idéalisation de Shirley Temple, jeune star américaine adorée de toutes et de tous, mais détestée par Claudia ; Shirley Temple, pour elle, est en quelque sorte la représentation ultime de la blanchité : tout le monde veut avoir une fille comme elle ; toutes les filles veulent être comme elle. Impossible, pourtant, pour une Noire, de ressembler à la petite Temple, et c’est en partie pour cela que Claudia la hait tant : parce que la société impose un modèle qui ne peut correspondre qu’à une partie de la population.
Régulièrement, le récit se fait à la troisième personne, nous permettant d’avoir alors un aperçu moins innocent de l’histoire. Il y a une personne qui revient sans cesse, à travers la voix de Claudia mais aussi à travers cette autre narration : Pecola Breedlove. C’est aussi une fille noire, à peine plus âgée que Claudia. Cette dernière voit et entend des choses sur Pecola, mais ne les comprend pas forcément ; nous, lecteur·rices, ne pouvons pas ne pas comprendre, surtout quand la narration à la troisième personne prend place. Ainsi l’on découvre que, chez les Breedlove, il y a bien plus de violence que d’amour, que la haine de soi est profonde, et que la jeune fille a été violée par son père. D’ailleurs, à certains moments, plutôt rares, nous avons le point de vue de Pecola, et c’est terrible à lire. On a là une gamine qui sait qu’elle ne veut pas mais qui n’a aucune idée de comment s’ériger contre l’autorité de son père. Petit à petit, fermant son esprit à la laideur du monde, la jeune fille se barricade derrière quelque chose qui, au fil des pages, va de plus en plus apparaître comme de la folie.
Je mets l’accent sur Pecola, mais Frieda et Claudia, bien que vivant une vie de famille plutôt heureuse, se retrouve elles aussi plongées dans la laideur du monde ; il y a le racisme, oui, mais il y a également la pauvreté, les attouchements… Et nous suivons également les parents Breedlove ; d’un côté, la mère, pleine de rancœur, qui bat sa fille et ne donne de la tendresse qu’à la petite de ses employeurs, des Blancs ; de l’autre côté, le père, alcoolique et complètement perdu, qui ne trouve pas sa place (au sein de la famille ni même de la société) et qui finit par commettre l’irréparable.
Malgré tout cela, L’œil le plus bleu n’est pas exempt de beauté. Il n’y a qu’à lire le livre pour apprécier la plume de Toni Morrison ; il n’y a qu’à lire certains passages pour découvrir la tendresse. Et c’est ce qui fait que, bien que l’histoire dépeinte soit sombre et cruelle, horrible, on se laisse embarquer dans le roman, et qu’on apprécie le lire.

Je ne conseille pas L’œil le plus bleu à tout le monde pour la simple et bonne raison qu’il est extrêmement dur. Cela dit, il n’en reste pas moins une bonne surprise pour moi et j’ai apprécier lire ce roman. Je le recommande donc, oui, mais à qui se sent prêt·e à plonger dans une telle lecture.

L’œil le plus bleu, Toni Morrison • Titre VO : The Bluest Eye • Traduction : Jean Guiloineau • Editions 10/18 • 1970 (parution originale) • 218 pages • 7,10€ • Genre : historique, drame, littérature américaine • ISBN : 9782264047991

Ce livre participe au challenge Voix d’autrices.

13 réflexions sur “L’œil le plus bleu

  1. Ada dit :

    Je pense lire celui-là avant de retenter « Beloved », tu vois. J’ai abandonné provisoirement ce dernier (je le reprendrai un jour) car je n’avais pas réussi à accrocher mais « Love » m’avait beaucoup plu, alors zut, je ne vais pas abandonner comme ça. Contente que celui-ci t’ait été plus « agréable » !

    Aimé par 1 personne

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