Résumé de l’éditeur :
Pénaliser, abolir, verbaliser, réprimer : tel est le bruit de fond commun aux discours sur « les putes », qu’ils émanent de députés, de féministes ou de maniaques de l’ordre moral et urbain. À contre-courant, ce livre défend l’idée de travail du sexe, idée scandaleuse entre toutes car elle implique une alliance entre le combat féministe, le combat ouvrier et celui des pauvres et des exclus. Se fondant sur son savoir historique et sur son expérience personnelle, Schaffauser dénonce les violences, décrypte les sollicitudes hypocrites et raconte l’histoire des luttes, en particulier la création du STRASS, (Syndicat du travail sexuel) et ses rapports souvent conflictuels avec une « extrême gauche » confite dans la vertu.
Un livre décapant et éclairant sur un sujet qu’il plus possible d’éviter aujourd’hui.
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Mon avis :
La première chose à noter avec Les luttes des putes, c’est qu’il s’agit d’un essai ownvoice, c’est à dire qu’il est écrit par une personne concernée. En l’occurrence, la courte biographie de Thierry Schaffauser en quatrième de couverture nous informe qu’il est « pédé, drogué » et qu’il est également « travailleur du sexe et membre fondateur du STRASS (Syndicat du travail sexuel) ». Il est aussi à noter que l’expression « travailleurSEs du sexe » (les majuscules, autre forme d’écriture inclusive) est privilégiée par rapport à « prosituéEs » ou « putes » ; cela permet la mise en avant de l’activité comme d’un travail (et qui dit « travail » dit « droits du travail »). Les luttes des putes se découpe en trois grandes parties, à savoir la lutte contre l’oppression, la lutte féministe et la lutte syndicale. Le ton est donné, c’est un essai engagé (ce qui me plaît beaucoup).
Je ne sais pas trop quoi vous dire au sujet de ce livre ; je l’ai trouvé très bien, il est intéressant et il est super accessible, il n’a rien de l’écriture lourde que l’on peut trouver dans les essais académiques. Mais juste à vous dire cela, il y a peu de chances que vous ayez envie de le lire – développer un argumentaire est plus accrocheur, c’est certain. Alors, une fois n’est pas coutume, je vais citer le livre, p. 25-26 :
« […] tout travail est exploitation, qu’il soit sexuel ou non. […] Être reconnu comme travailleur signifie avoir accès à des droits et à une protection sociale tandis que l’actuelle prohibition défendue par les abolitionnistes nous place en dehors du droit commun et ne nous donne aucun outil face à un employeur. »
Cet extrait reprend ce que je disais plus haut : reconnaître le travail sexuel comme étant un vrai travail, c’est donner des droits aux travailleurSEs du sexe (TDS) et, ainsi, les protéger. Actuellement, la première violence envers les TDS vient de l’Etat. Pour faire simple, les crimes contre les TDS sont rarement punis (par exemple, les viols), les homophobes, les racistes, les transphobes… peuvent les agresser impunément, etc. Certes, de tels actes sont répréhensibles mais, pour un·e TDS, c’est risquer la remise en cause, comme si vendre des services sexuels légitimait les violences, c’est risquer l’expulsion du territoire pour les migrant·es… De plus, les lois sur la prostitution isolent les travailleurSEs du sexe : aider d’une quelconque façon un·e TDS, par exemple en lui faisant un site internet ou en lui prêtant un local où exercer son travail, c’est être considéré·e comme proxénète. Or, l’isolement favorise la violence et la précarité ; l’isolement empêche tout acte de solidarité.
Les luttes des putes parle également de la précarité des travailleurSEs du sexe, notamment des migrant·es. Je viens de finir le livre, paru en 2014, et je n’ai donc pas eu le temps de me renseigner sur ce qu’il se passe en ce moment, comment ça fonctionne… mais, ce qui est certain, c’est qu’il y a encore peu de temps, il y avait ce que j’appelle un chantage mais qui était simplement la loi : si un·e TDS migrant·e est arrêté·e par la police, iel peut obtenir un droit de séjour à la condition de dénoncer son souteneur, et si cela mène bel et bien à l’arrestation de celui-ci. Souvent, le droit de séjour n’est que d’une courte durée – six mois, en général, le temps de boucler l’affaire. Ensuite, les migrant·es sont renvoyé·es chez elleux. Pourquoi ? Parce que la pensée populaire est qu’une personne migrante qui se prostitue le fait parce qu’elle n’a pas le choix, parce qu’elle a été forcée de venir en France pour vendre son corps au profit d’un proxénète. Schaffauser ne dit pas que de tels cas n’existent pas, en revanche il pointe un élément pertinent : il y en a qui viennent en France de leur propre chef, même en sachant qu’il faudra se prostituer une fois dans l’hexagone. Or, ce n’est jamais pris en compte. Aussi, vous noterez que c’est le serpent qui se mord la queue : pourquoi peut-il y avoir des individus exploités ainsi ? Parce que rien ne protège les TDS (aka les lois, l’Etat).
Mais du coup, que faire face à tout cela ? Un groupe de travailleurSEs s’est réuni et le STRASS est né. Le STRASS est un syndicat pour les TDS qui emploie par ailleurs des avocat·es afin d’aider celles d’entre elles et eux qui en ont besoin. Ses actions sont nombreuses et, si le but premier est de faire reconnaître toutes les formes de travail sexuel comme un véritable travail, le syndicat propose également sur son site toute une partie sur les droits des TDS, une bibliographie, etc.
Voilà, je l’ai dit, j’ai parlé simplement de quelques sujets abordés (la traite des êtres humains, les maisons closes, etc. font partis des nombreux sujets dont je n’ai pas parlé dans ma chronique) et je reste très en surface des choses. Pour approfondir le sujet, je vous invite à lire Les luttes des putes – je le redis, cet essai est très intéressant – et je conclus mon retour avec cet extrait, p. 227 :
On ne décrètera pas l’abolition de l’industrie du sexe. Pour lutter contre, il faudra redonner, dans un premier temps, davantage de contrôle aux travailleurSEs du sexe sur leurs propres moyens de production, sur leurs conditions de travail et étendre les droits associés au statut de travailleur, parvenir à de nouvelles conquêtes ouvrières. La prohibition ne met pas fin l’exploitation, elle ne fait que la cacher, et donc la perpétuer.
Les luttes des putes, Thierry Schaffauser • La Fabrique • 2014 • 239 pages• 12€ • Genre : essai, travailleurSEs du sexe, prostitution • ISBN : 9782358720618
Je confirme, le sujet paraît absolument passionnant et très peu abordé habituellement, alors j’ai très de le découvrir, sous le regard d’une personne concernée qui plus est !
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Ca m’a l’air super intéressant ! je n’ai jamais rien lu sur le sujet
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Celui-ci étant très abordable, je ne peux que te le conseiller ! Sinon, il y a quelques manifestes, etc. sur le site du STRASS mais je pense qu’il faut déjà connaître un petit le sujet, en tout cas pour certains sujets abordés.
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On en parle rarement de ce sujet, beaucoup de tabous. En Belgique la prostitution vient d’être dépénalisée début de cette année d’ailleurs ! Pas le proxénétisme mais ça permet aux tds d’avoir des droits. Et si j’ai bien compris c’est venu suite au COVID parce que plein de tds ont perdu leur source de revenu pendant la pandémie et n’avaient droit à rien. Avant ça la prostitution n’était pas interdite en Belgique mais le raccolage oui par exemple donc il y avait une sorte de flou tolérant un peu bizarre. Enfin bref tout ça pour dire que c’est un sujet dont il faut parler et que des lois doivent être mises en place pour protéger les tds, c’est comme ça qu’on pourra arrêter l’exploitation humaine…
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Pas le proxénétisme heureusement* ma phrase n’est pas claire 😅 la loi aujourd’hui c’est de permettre aux tds d’exercer leur métier et d’empêcher leur exploitation donc exit les proxénètes. Et ça c’est bien !
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En effet, c’est une bonne nouvelle ! Petit à petit, les choses avancent et j’espère que ce sera en faveur des TDS. C’est vrai que le covid a été une grande perte financière pour pas mal de monde, et les TDS en ont grandement pâti. J’espère vraiment que ça va mieux les protéger à partir de maintenant !
Et c’est en effet ça, un flou qui complique la vie : les clients pénalisés, ça pénalise les TDS. Donc merci pour cette nouvelle, ça fait plaisir à savoir 😊
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Il a l’air très intéressant, avec un sujet dont on parle très peu. Je suis d’accord qu’il faut leur donner plus de droits sur leur travail, chacun·e fait ce qui lui semble le mieux pour lui/elle, et avec des droits, au moins, les tdr sont davantage protégées !
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