Premières lignes #375

Salut les lecturovores !
Le 1er juin dernier est sorti Les profondeurs de Vénus et, les récits de type Planet Opera me plaisant généralement, sans parler d’Apophis qui en a parlé, ça m’a clairement donné envie de découvrir les premières lignes, que je vous partage donc aujourd’hui. Nul doute que je lirai bientôt ce roman de science-fiction, et vous ?
P.-S. : les mots en italiques suivis d’un astérique sont en québécois.

Le principe : chaque semaine, je prends un livre et je vous en cite les premières lignes du récit. Pensez à mettre le lien de votre RDV en commentaire de l’article ou, si vous avez une page ou une catégorie dédiée, n’hésitez pas à me le faire savoir ; cela facilitera l’actualisation.
N’oubliez pas de me citer, ça fait toujours plaisir ♡

 

1.

1er mars 2255 (È.C.), quarante-cinq kilomètres au-dessus de la surface de Vénus :
« On peut peut-être encore le rapiécer », dit son père en français par radio.
Des éclairs distants crépitèrent dans la bande radio. Des gouttes d’acide sulfurique s’écrasèrent sur la visière du casque de Pascal. Ils baignaient dans une brume jaune. Les orages commençaient rarement si profond sous les nuages, mais les plus gros pouvaient se frayer un chemin jusque-là.
« Je nous donne cinq minutes, dit Pascal, dix maximum.
– Donne-m’en une ! »
Il sentit un frisson de peur dans son abdomen. Ils jouaient avec le feu, malgré ses estimations.
Il se tenait sur la tête d’une des grandes plantes vénusiennes qui vivaient dans les nuages, ce qu’ils appelaient un chalutier. Toute la flottabilité de la plante lui venait de cette tête bulbeuse d’environ cinq mètres de large. Dessous pendaient une longue queue, quarante mètres de fibre de carbone terminés par un lest en bois. Les chalutiers se promenaient dans les nuages de Vénus, voire dans la brume brûlante en dessous, leurs longs câbles en carbone attirant les éclairs et amassant des charges d’électricité statique.
Georges-Étienne et ses enfants possédaient une douzaine de ces chalutiers, rassemblés en une flotte très étendue par des voiles réglables fixées sur leurs têtes. Des greffes de matériel supplémentaire les avaient tous transformés en usines minuscules. Les citernes et l’équipement hydrolique de celui-là permettaient d’obtenir de l’eau par craquage de l’acide sulfurique. Il n’aurait pas dû plonger autant, mais ses pompes ligneuses tombaient en panne. Même si Pascal pouvait en traverser le sommet d’un bout à l’autre en cinq grandes enjambées, c’était une île, extrêmement précieuse pour survivre dans les nuages. Et cette île n’allait pas tarder à disparaître.
« Minute !* dit Pascal.
Câlisse !* jura son père.
– Sauvons ce qu’on peut sauver. »
La brume était impénétrable. Le soleil brillait d’un orange spongieux, à cet endroit-là, et la visibilité se dégradait fortement au-delà de mille mètres. Peut-être un orage sévissait-il juste à côté d’eux sans qu’ils n’en voient rien. Un éclair crachota dans la bande radio et le grondement du tonnerre parvint peu après jusqu’à eux.
« Tabarnak !* jure de nouveau Georges-Étienne. Bon, d’accord. Passe-moi une corde. »
La situation ne préoccupait pas moins Pascal. Ils vendaient de l’oxygène, de l’eau et les métaux lourds qu’ils récupéraient dans les cendres volcaniques au sein de la couche de nuages inférieure, mais acheter un nouveau chalutier était au-dessus de leurs moyens et en apprivoiser un sauvage n’avait rien de facile. Perdre celui-là ne ferait que les rendre d’autant plus pauvres.
Pascal attacha la corde par son milieu au mât qui se dressait au sommet du chalutier, en fit descendre une extrémité à Georges-Étienne tandis qu’il nouait l’autre à un sac gonflable. La moitié inférieure ne tarda pas à se tendre, écrasant en partie les mauvaises herbes noires toutes en longueur qui colonisaient l’extérieur des chalutiers.

Les profondeurs de Vénus, Derek Künsken, 2020.

Les profondeurs de Vénus

Les blogueurs et blogueuses qui y participent aussi :

Premières lignes #374

Bien le bonjour à vous, cher·es lecturovores !
Aujourd’hui, ce sont les premières lignes d’Apocalypse Bébé de Virginie Despentes que je partage avec vous. Cela fait treize ans qu’il traîne dans ma pile à lire, il va être temps que je m’y mette.
Bon dimanche et bonne lecture à vous.

Le principe : chaque semaine, je prends un livre et je vous en cite les premières lignes du récit. Pensez à mettre le lien de votre RDV en commentaire de l’article ou, si vous avez une page ou une catégorie dédiée, n’hésitez pas à me le faire savoir ; cela facilitera l’actualisation.
N’oubliez pas de me citer, ça fait toujours plaisir ♡

 

Il n’y a pas si longtemps de ça, j’avais encore trente ans. Tout pouvait arriver. Il suffisait de faire les bons choix, au bon moment. Je changeais souvent de travail, mes contrats n’étaient pas renouvelés, je n’avais pas le temps de m’ennuyer. Je ne me plaignais pas de mon niveau de vie. J’habitais rarement seule. Les saisons s’enchaînaient façon paquets de bonbons : faciles à gober et colorés. J’ignore à quel moment la vie à cessé de me sourire.

Apocalypse Bébé, Virginie Despentes, 2010.

Apocalypse Bébé

Les blogueurs et blogueuses qui y participent aussi :

Premières lignes #373

Salutations !
Aujourd’hui, ce sont des premières lignes qui m’intriguent énormément que j’ai souhaité vous partager. L’ambiance se pose, cela ressemble à une injustice, on ne comprend pas et on veut savoir. De fait, il est très probable que je lise bientôt ce roman qui m’attend depuis quelques années déjà : Affinités de Sarah Waters, une autrice que j’apprécie grandement.
Passez un beau dimanche.

Le principe : chaque semaine, je prends un livre et je vous en cite les premières lignes du récit. Pensez à mettre le lien de votre RDV en commentaire de l’article ou, si vous avez une page ou une catégorie dédiée, n’hésitez pas à me le faire savoir ; cela facilitera l’actualisation.
N’oubliez pas de me citer, ça fait toujours plaisir ♡

 

3 août 1873

Je n’ai jamais eu peur comme en ce moment. On m’a laissée dans le noir, avec rien que la lumière de la rue pour écrire. On m’a ramenée dans ma chambre, on m’y a enfermée sous clef. On voulait que ce soit Ruth qui le fasse, mais elle a refusé : comment ! Moi, enfermer ma propre maîtresse, qui n’a rien fait ? Voilà ce qu’elle a dit, & pour finir le médecin lui a pris la clef & c’est lui qui a fermé, puis il a emmené Ruth. Maintenant, la maison est pleine de voix, & toutes les voix disent mon nom. Si je ferme les yeux & que j’écoute, ça pourrait être un soir comme les autres. Ça pourrait être le moment où j’attends Mme Brink, qu’elle vienne me chercher pour une séance dans le noir avec Madeleine ou une autre, n’importe, une jeune fille rougissante, la tête pleine de Peter, Peter & ses gros favoris bruns, Peter & ses mains qui brillent.
Mais non, Mme Brink est toute seule dans son lit froid, & Madeleine Silvester pique sa crise de larmes en bas. & Peter Quick est parti, j’ai bien peur, pour toujours.

Affinités, Sarah Waters, 1999.

Affinités

Les blogueurs et blogueuses qui y participent aussi :

Premières lignes #372

Stephen King prend toujours le temps de planter le décor, l’ambiance, les personnages. Conte de fées ne déroge pas à la règle et, pour l’instant, j’accroche bien (et même très bien mais c’est une brique, je ne suis donc pas prête de finir ce roman), c’est ainsi que j’ai choisi de vous en partager les premières lignes.
Bon dimanche à vous !

Le principe : chaque semaine, je prends un livre et je vous en cite les premières lignes du récit. Pensez à mettre le lien de votre RDV en commentaire de l’article ou, si vous avez une page ou une catégorie dédiée, n’hésitez pas à me le faire savoir ; cela facilitera l’actualisation.
N’oubliez pas de me citer, ça fait toujours plaisir ♡

 

CHAPITRE UN

Ce foutu pont. Le miracle. Les hurlements.

1

Je suis sûr de pouvoir raconter cette histoire. Et je suis sûr que personne n’y croira. Je m’en fiche. La raconter me suffit. Mon problème – je paris que beaucoup d’écrivains ont le même, il n’y a pas que les débutants comme moi –, c’est de savoir par où commencer.
Tout de suite, j’ai pensé au cabanon, parce que c’est là que mes aventures ont débuté réellement, mais ensuite, je me suis aperçu que je devrais parler de M. Bowditch d’abord, de la manière dont on est devenus proches. Seulement, tout cela ne serait jamais arrivé sans le miracle qu’a vécu mon père. Un miracle très ordinaire, pourrait-on dire, un miracle que des milliers d’hommes et de femmes ont connu depuis 1935, mais aux yeux d’un gamin, c’était un miracle.
Seulement, ce n’est pas le bon choix non plus car je ne crois pas que mon père aurait eu besoin d’un miracle sans ce foutu pont. Alors, c’est par là que je dois commencer, par ce foutu pont de Sycamore Street. Et maintenant, en y repensant, je vois clairement un fil qui traverse les années, jusqu’à M. Bowditch et au cabanon cadenassé derrière sa vieille maison victorienne délabrée.
Mais un fil, ça se brise facilement. Alors non, pas un fil, une chaîne plutôt. Solide. Et moi, j’étais le gamin qui avait les menottes aux poignets.

Conte de fées, Stephen King, 2022.

Conte de Fées

Les blogueurs et blogueuses qui y participent aussi :

Premières lignes #371

Salutations !
Pour ces premières lignes, j’ai opté pour Un psaume pour les recyclés sauvages de Becky Chambers. Avec celles-ci, on se place d’emblée dans un futur qui semble être le nôtre mais où les usines ne sont plus, où les robots ont évolué et ont désormais leur propre conscience.
Je vous laisse découvrir cela et je vous souhaite un bon dimanche 🤖

Le principe : chaque semaine, je prends un livre et je vous en cite les premières lignes du récit. Pensez à mettre le lien de votre RDV en commentaire de l’article ou, si vous avez une page ou une catégorie dédiée, n’hésitez pas à me le faire savoir ; cela facilitera l’actualisation.
N’oubliez pas de me citer, ça fait toujours plaisir ♡

 

Si vous demandez à six moines différents quel dieu règne sur la conscience des robots, vous obtiendrez sept réponses différentes.
La plus populaire, parmi le clergé comme chez les laïcs, affirme qu’il s’agit de Chal. De qui dépendraient les robots sinon du dieu des constructions ? D’autant plus, explique-t-on, qu’à l’origine les robots avaient été créés dans un but industriel. Même si l’ère des usines est une page sombre de notre histoire, nous ne pouvons ignorer les motifs qui ont donné naissances aux robots. Nous les avons construits pour qu’ils construisent. C’est l’essence même du dieu Chal.

Histoires de moine et de robot, tome 1 : Un psaume pour les recyclés sauvages, Becky Chambers, 2021.

Histoires de moine et de robot, tome 1 : Un psaume pour les recyclés sauvages

Les blogueurs et blogueuses qui y participent aussi :

Premières lignes #370

Bien le bonjour, bien le bonsoir !
Pour les premières lignes de ce dimanche, j’ai choisi le début de la préface de Titiou Lecoq (dont j’apprécie grandement le travail) du livre Autrices : Ces grandes effacées qui ont fait la littérature. C’est pertinent et ça permet d’entrevoir ce que nous allons retrouver par la suite dans l’ouvrage, dont les textes sont choisis et présentés par Daphné Ticrizenis.
Bonne lecture à vous.

Le principe : chaque semaine, je prends un livre et je vous en cite les premières lignes du récit. Pensez à mettre le lien de votre RDV en commentaire de l’article ou, si vous avez une page ou une catégorie dédiée, n’hésitez pas à me le faire savoir ; cela facilitera l’actualisation.
N’oubliez pas de me citer, ça fait toujours plaisir ♡

 

PRÉFACE DE TITIOU LECOQ

À l’école, comme je l’ai déjà raconté, les femmes étaient à peu près totalement absentes de mes cours d’histoire, depuis le CP jusqu’à la terminale. En français, ce n’était pas tellement mieux. Si je cherche dans ma mémoire les auteurs que j’ai étudiés me viennent : La Fontaine, Pagnol, Molière, Boris Vian, Corneille, Rabelais, Hugo, Zola, Rousseau, Voltaire.
Le constat était claire : la littérature était une affaire d’hommes. Selon mes professeurs, cette surreprésentation s’expliquait simplement. Les hommes avaient davantage écrit, alors que les femmes avaient été empêchées par les circonstances. Elles avaient été assignées au foyer et n’avaient pas pu consacrer leur vie à créer une œuvre. Il ne fallait donc pas voir dans les anthologies littéraires une quelconque marque de sexisme, mais simplement le reflet d’une réalité historique. Ainsi, la prestigieuse collection de la Pléiade expliquait en 2014 : « Nous sommes loin de la partié, il est vrai ; mais force est de constater que l’histoire littéraire elle-même s’écrit au masculin jusqu’au milieu du XXe siècle ; et il n’est pas à la portée de la collection, si bienveillante soit-elle, de la corriger. »
D’ailleurs, preuve supplémentaire de cette absence de sexisme, quand certaines écrivaines avaient réussi à échapper à cet esclavage, on ne manquait pas de leur faire de la place, ainsi Marie-Madeline de Lafayette, Germaine de Staël ou George Sand.
Cette idée de la femme empêchée, on la retrouve dans une livre important, Une chambre à soi de Virginia Woolf.  L’autrice se demande quel aurait été le destin de la sœur de Shakespeare. S’il avait eu une sœur aussi douée que lui et désireuse d’écrire, aurait-elle pu réussir ? Woolf conclut que non, que cette femme, Judith, aurait fini pauvre et désespérée à cause d’une société qui lui aurait interdit de concrétiser ses ambitions artistiques. Ce que Woolf ne pouvait pas savoir en 1929, c’est que Shakespeare a eu des sœurs.
Un paquet.
Des femmes qui ont écrit, il y en a toujours eu, malgré ce que croit la Pléiade. Parce que l’on imagine que la condition des femmes va forcément d’un état d’asservissement total vers la libération, on pense que les femmes du passé étaient enfermées dans leurs maisons. C’est faux. Comme vous allez le découvrir avec ce livre, les femmes, dès le Moyen Âge, écrivaient. Des poèmes, des pièces, des mémoires. Elles parlaient d’histoire, de politique, de pouvoir. Elles défendaient leurs idées, elles prenaient position dans les débats de leur temps. Elles s’appelaient Azalaïs de Porcairagues, Na Castelosa, Anne de France, Marguerite de Navarre, Catherine de Parthenay.
Mais il y a encore plus étonnant. Non seulement les femmes artistes existaient, mais en plus, certaines d’entre elles rencontraient le succès. Elles étaient publiées, elles étaient lues, elles existaient dans la vie artistique et intellectuelle de leur époque.

Autrices : ces grandes effacées qui ont fait la littérature, tome 1 : du Moyen Âge au XVIIe siècle, textes choisis et présentés par Daphné Ticrizenis, 2022.

Autrices : ces grandes effacées qui ont fait la littérature, tome 1 : du Moyen Âge au XVIIe siècle

Les blogueurs et blogueuses qui y participent aussi :

Premières lignes #369

Salutations, les lecturovores !
Ma sœur C. étant chez moi au cours de la semaine passée, je lui ai demandé de me choisir mes prochaines lectures (viennent tout de même s’ajouter quelques prêts inattendus, dont une BD qu’elle en a profité pour lire et qu’elle a aimé – on en reparle bientôt). L’orageuse étant sur le haut de cette pile à lire dans la pile à lire (car, oui, elle m’a préparer cette PAL à partir de ma PAL mensuelle et de mes derniers achats), j’ai décidé de vous en partager les premières lignes. C’est un roman sur Louise Colet ; poétesse, écrivaine et éditrice, elle a côtoyé les grands noms du XIXe siècle : Flaubert, Hugo, Musset…
Bonne lecture à vous ✍️

Le principe : chaque semaine, je prends un livre et je vous en cite les premières lignes du récit. Pensez à mettre le lien de votre RDV en commentaire de l’article ou, si vous avez une page ou une catégorie dédiée, n’hésitez pas à me le faire savoir ; cela facilitera l’actualisation.
N’oubliez pas de me citer, ça fait toujours plaisir ♡

 

1.

Fugues nocturnes

Château de Servanne, 16 novembre 1834

La nuit est exceptionnellement douce pour la saison, mais la jeune fille grelotte sous sa chemise de percale. Les premiers instants de sa course folle ont coloré ses joues d’un voile rose, la sueur qui coule le long de sa colonne vertébrale est d’une tiédeur très inconfortable.
– Quelle heure peut-il être ?
Dans sa précipitation, elle a quitté la maison à peine vêtue, obéissant à une pulsion qui ne souffrait aucun délai, pour ne point s’alourdir et mettre le plus de distance possible entre elle et ses frères. C’est tout juste si elle n’a pas oublié d’enfiler ses chaussures ! Elle a embrassé une dernière fois un portrait de sa mère avant de le reposer sur la coiffeuse. Son hésitation à emporter quelques bijoux, monnayables en cas de besoin – hors de question de mendier le moindre franc auprès de son aîné, ce rat d’Adolphe – a été balayée par l’urgence. Quant à une bougie pour s’éclairer, impossible également : autant semer des cailloux derrière elle pour guider ses geôliers !
Veillant à ne pas faire grincer l’escalier, elle a descendu les marches une à une, de sa chambre vers le rez-de-chaussée. La grande demeure à façade ocre, bastide imposante mais joyeuse, dormait. Louise a fait trois pas dans la cour, adressé des mots d’adieu silencieux à la cloche et à l’horloge qui surmontent le toit, puis a filé vers la sortie. Aucun des lévriers ne la suivait.

L’orageuse, Jessica L. Nelson, 2023.

Les blogueurs et blogueuses qui y participent aussi :

Premières lignes #368

Nouveau dimanche, nouvelles premières lignes !
J’ai choisi Tsubame d’Aki Shimazaki, une écrivaine dont j’apprécie beaucoup l’œuvre. Ici, on ressent une certaine chaleur étouffante, je pense déjà à l’été.
Bon dimanche et bonne lecture à vous 🙂

Le principe : chaque semaine, je prends un livre et je vous en cite les premières lignes du récit. Pensez à mettre le lien de votre RDV en commentaire de l’article ou, si vous avez une page ou une catégorie dédiée, n’hésitez pas à me le faire savoir ; cela facilitera l’actualisation.
N’oubliez pas de me citer, ça fait toujours plaisir ♡

 

Je lève les yeux.
Couvert de nuages épais, le ciel s’étend à l’infini. Il fait anormalement chaud et humide pour une fin d’été. C’est encore tôt le matin. Pourtant, je sens ma chemise déjà trempée de sueur.
Au-dessus de moi, un couple d’hirondelles passe rapidement. Elles vont et viennent entre le toit d’une maison et un fil électrique. Elles partiront bientôt vers un pays chaud. J’aimerais bien voyager librement comme elles.
Ma mère m’a dit une fois : « Si on pouvait renaître, j’aimerais renaître en oiseau. »
Je marche dans le petit chemin qui longe l’étang, un raccourci pour aller chez mon oncle. Je dois lui remettre des épis de maïs que ma mère vient de faire cuire à l’eau. La chaleur se propage à travers le papier journal. Mon oncle travaille à la journée sur une digue d’Arakawa où l’on construit un canal d’évacuation. Il transporte de la terre et du gravier avec une brouette. « La paye est minimale, mais c’est mieux que rien. »
En passant devant l’étang, j’aperçois les acores en pleine floraison. Je m’arrête et les regarde quelques instants. Je pense : « C’est étrange. Ces fleurs ne s’épanouissent d’habitude qu’au mois de mai ou de juin. » Il n’y a pas de vent, la surface de l’eau demeure immobile.
Après un moment, je me rappelle ce que ma mère m’a dit hier soir : « On n’a pas trouvé de rats dans la maison depuis plusieurs semaines. » Pour moi, c’est une bonne nouvelle, car le bruit des rats dérangeait notre sommeil. Pourtant, le visage de ma mère semblait inquiet.

Tsubame, Aki Shimazaki, 2001.

Tsubame

Les blogueurs et blogueuses qui y participent aussi :

Premières lignes #367

Il y a de ces romans qui intriguent et c’est le cas avec le premier roman du « projet secret » de Brandon Sanderson, Tress de la mer Émeraude. Il semble que ce soit un récit de pirate et de fantasy et c’est clairement ce qui m’a attirée mais, quand on ouvre le livre et qu’on lit les premières lignes du texte, on nous parle thé et cheveux. Pour sûr, l’auteur sait nous surprendre et, en ce qui me concerne, il sait comment me donner envie !
Bon dimanche à vous 🫖

Le principe : chaque semaine, je prends un livre et je vous en cite les premières lignes du récit. Pensez à mettre le lien de votre RDV en commentaire de l’article ou, si vous avez une page ou une catégorie dédiée, n’hésitez pas à me le faire savoir ; cela facilitera l’actualisation.
N’oubliez pas de me citer, ça fait toujours plaisir ♡

LA FILLE

1

Une fille vivait au beau milieu de l’océan, sur un rocher.
Ledit océan n’avait pas grand chose à voir avec celui que vous imaginez.
Le rocher non plus ne ressemblait pas à ce que vous avez sans doute en tête.
La fille, en revanche, était peut-être telle que vous l’imaginez – à supposer que vous l’imaginiez réfléchie, à la voix douce, et aimant un peu trop collectionner les tasses.
Les hommes la décrivaient souvent comme ayant des cheveux de la couleur des blés. D’autres évoquaient plutôt le caramel, ou occasionnellement le miel. Elle se demandait pourquoi ils utilisaient si souvent des termes liés à la nourriture pour parler des attributs féminins. Il y avait une faim, chez ces hommes, qu’il lui semblait préférable d’éviter.
À titre personnel, elle trouvait « châtain » suffisamment descriptif – même si la teinte de ses cheveux n’était pas leur caractéristique la plus intéressante. Elle-même aurait plutôt mis l’accent sur leur indiscipline. Chaque matin, elle les domptait héroïquement avec une brosse et un peigne, puis les muselait au moyen d’un ruban et d’une tresse bien serrée. Certaines mèches trouvaient pourtant toujours un moyen de s’échapper – pour s’agiter librement dans le vent, et saluer jovialement tous ceux que la jeune femme croisait.
Elle avait reçu à la naissance le patronyme malencontreux de Glorf (pas de jugement : c’était un nom de famille), mais ses cheveux indisciplinés lui valaient l’appellation que tout le monde lui connaissait : Tress. Ce surnom était, à ses yeux, l’élément le plus intéressant de sa modeste personne.

Tress de la mer Émeraude, Brandon Sanderson, 2023.

Tress de la mer Émeraude

Les blogueurs et blogueuses qui y participent aussi :

Premières lignes #366

C’est dimanche, c’est « Première lignes » !
Aujourd’hui, ce sont les premières lignes d’un thriller adapté en série sur Netflix : La petite fille sous la neige. Outre le genre littéraire, un élément vient nous dire, dans ces premières lignes, que ce moment de bonheur va tourner mal. C’est typiquement ce genre d’introduction qui me donne envie de lire la suite car j’ai envie de réponses à mes questions (du type « où ? quand ? comment ? »).
Et vous, vous aimez les premières lignes de ce genre ?
Bon dimanche à vous 📖

Le principe : chaque semaine, je prends un livre et je vous en cite les premières lignes du récit. Pensez à mettre le lien de votre RDV en commentaire de l’article ou, si vous avez une page ou une catégorie dédiée, n’hésitez pas à me le faire savoir ; cela facilitera l’actualisation.
N’oubliez pas de me citer, ça fait toujours plaisir ♡

 

1
New York

26 novembre 1998

Le pire se produit toujours
avant que l’on puisse anticiper.

Ignorant quelques secondes la majestueuse parade de Thanksgiving, Grace leva les yeux pour regarder sa fille, radieuse, montée sur les épaules de son père. Elle observa le jeu espiègle de ses petites jambes et vit comment les mains de son mari serraient les cuisses de la fillette avec une fermeté qu’elle jugerait, plus tard, insuffisante. Le père Noël des magasins Macy’s approchait, souriant, assis sur un gigantesque trône et, de temps en temps, Kira le montrait du doigt, exultant de bonheur au passage du cortège de lutins, d’elfes, de bonshommes en pain d’épices géants et de peluches qui défilaient devant le char. Il pleuvait. Un doux et fin rideau de pluie détrempait les imperméables et les parapluies comme autant de larmes.
– Là ! hurla la fillette. Là !
Aaron et Grace suivirent du regard le doigt de Kira qui désignait un ballon blanc. Celui-ci devenait de plus en plus petit à mesure qu’il grimpait dans le ciel vers les nuages et survolait les gratte-ciel de New-York.La fillette baissa ensuite les yeux vers sa mère, joyeuse, et Grace sut à ce moment-là qu’elle ne pourrait pas lui dire non.

La petite fille sous la neige, Javier Castillo, 2020.

La petite fille sous la neige

Les blogueurs et blogueuses qui y participent aussi :