Premières lignes #419

Salutations !
Voici les premières lignes d’un roman que l’on m’a prêté et que je compte lire très bientôt : Magie & Sentiments – Les secrets de Longdawn d’Ariel Holzl. On nous plante bien le décor et je dois admettre que ça me rend assez curieuse de la suite.
Bon dimanche et bonne lecture à vous !

Le principe : chaque semaine, je prends un livre et je vous en cite les premières lignes du récit. Pensez à mettre le lien de votre RDV en commentaire de l’article ou, si vous avez une page ou une catégorie dédiée, n’hésitez pas à me le faire savoir ; cela facilitera l’actualisation.
N’oubliez pas de me citer, ça fait toujours plaisir ♡

 

1

Les amitiés forgées
sous un soleil d’été

1845. Palais de Buckinghart.

Luke n’aime pas les fontaines.
L’eau – en oarticulier l’eau prisonnière d’un joli écrin de marbre – lui rappelle trop sa grande sœur, Rebecca. Et s’il vadrouille dans les jardins du palais avec sa salamandre pour seule compagnie, c’est encore la faute de Becky : l’aînée de la famille Hexeter fait aujourd’hui son entrée dans la société.
Seulement, l’Angleterre ne manque pas de jeunes mages à présenter au roi Victor et la cérémonie dure déjà depuis trois heures…
Trois heures des plus barbantes, à rester debout dans un costume trop neuf qui le gratte à l’encolure et sent le camphre des charmes anti-mites, anti-plis et anti-boutons perdus.
Trois heures des plus étouffantes, car les fenêtres du palais restent inexplicablement closes face aux assauts féroces du soleil de juillet.
Trois heures des plus bruyantes au milieu de la file sans fin des familles – le fleuron de l’aristocratie anglaise – et de leurs héritiers. Encore plus inconfortablement guindés que Luke, les mages en devenir sont si nerveux qu’ils bafouillent devant le monarque, puis signent leur nom au bas du Codex royal en faisant des pâtés d’encre avec la grande m-plume de corbeau blanc.
Pour un garçon de douze ans, il n’existe aucune torture plus cruelle que cette trop longue cérémonie. Sauf peut-être l’obligation d’y revenir à ses quinze ans, lorsqu’il aura à son tour le droit d’apposer son nom dans le Codex et de rejoindre ainsi la bonne société des mages distingués…

Magie & Sentiments – Les secrets de Longdawn, Ariel Holzl, 2024.

Magie & Sentiments – Les secrets de Longdawn

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Premières lignes #418

Bien le bonjour, les lecturovores !
Aujourd’hui, je vous propose de découvrir les premières lignes de Noblesse oblige. Ce roman jeunesse tourne autour d’une uchronie où la monarchie est toujours bel et bien présente et autour de la télé-réalité. Une collègue m’a proposé de me le prêter et, s’il m’avait déjà intrigué par les retours que j’en ai lu sur le net, j’avoue que j’ai craqué pour le superbe jaspage et j’ai dit oui. Soit, le livre est beau mais ce qui nous intéresse ici, c’est comment il débute. Passons donc aux premières lignes et, me concernant, ça commence bien : Bretagne, nous voulà !
Bonne lecture et bon dimanche à vous !

Le principe : chaque semaine, je prends un livre et je vous en cite les premières lignes du récit. Pensez à mettre le lien de votre RDV en commentaire de l’article ou, si vous avez une page ou une catégorie dédiée, n’hésitez pas à me le faire savoir ; cela facilitera l’actualisation.
N’oubliez pas de me citer, ça fait toujours plaisir ♡

 

Chapitre premier

Je pose les mains avec douceur sur les touches noires et blanches. Les notes s’envolent, légères, au-dessus du piano, et s’épanouissent dans le salon bleu au mobilier Louis XV. Les Variations Goldberg. Mme de Kerdoncuff apprécie particulièrement la deuxième quand elle reçoit.
— Oh, ma chère amie, vous aviez raison, ce thé est divin ! s’exclame Mme de Fontaine.
— N’est-ce pas ? Monsieur l’a fait venir spécialement de Chine, une cargaison pleine ! C’est un produit rare, une production limitée, m’a-t-il dit, huit tonnes par an seulement… Un luxe réservé aux plus grands. Naturellement, la Cour en raffole aux Tuileries !
Il me faut toute la maîtrise de mes sentiments pour ne pas enfoncer les touches suivantes avec plus de force que ne demanderait ce morceau. Elle a fait venir ce thé avec nos bateaux. Si mon père n’avait pas été injustement embastillé, son entreprise d’armement saisie et confiée à ces nobles familles, j’aurais été celle en train de le déguster et de le faire découvrir à ses amies. Je prends une grande inspiration à la fin de la mesure, ce qui me permet de revenir à la musique tout en créant une certaine tension dramatique. Concentre-toi, Gabrielle.
— Je n’ai jamais rien goûté d’aussi exquis ! Mes compliments à monsieur, quelle trouvaille !
Les deux précieuses ne se sont rendu compte de rien. Ce n’est pas étonnant. Mme de Kerdoncuff, ma maîtresse, se croit mélomane, mais n’a ni oreille ni sens du rythme. Elle se contente de répéter les avis des autres. Sa critique d’un opéra sera en tout point similaire à celle de la Revue des arts, qu’elle se devra de lire avant chaque représentation afin de paraître savante auprès du beau monde pendant l’entracte.
—Alors, ma chère, avez-vous eu vent de nouvelles excitantes sur la prochaine saison de Noblesse oblige ? s’enquiert Mme de Fontaine en se penchant vers ma maîtresse. J’ai ouï dire que la duchesse douairière de Léon venait séjourner chez vous ce soir, c’est donc qu’une jeune fille de la région aura l’honneur d’y participer cette année ?
Mme de Kerdoncuff porte la main à sa bouche, affiche l’air joueur et faussement surpris d’une intrigante. Elle a elle-même lancé la rumeur de la visite de la duchesse, bien entendu. Elle l’a mentionnée suffisamment fort ) son mari à la messe de dimanche dernier pour que le bruit coure sur les bancs : avant la fin du rite, tout Brest avait connaissance de l’honneur qui lui était fait.
— Oui, ma chère, dit-elle en baissant la vois. Elle arrive en fin d’après-midi…

Noblesse oblige, Maiwenn Alix, 2024.

Noblesse oblige

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Premières lignes #417

Salutations !
Après avoir adoré Les Aiguilles d’or de Michael McDowell (surtout connu pour sa saga Blackwater), j’ai craqué pour Katie, un roman initialement publié en 1982 et que les éditions Monsieur Toussaint Louverture ont sorti le 19 avril dernier en France avec une sublime couverture dessinée par Pedro Oyarbide. Je souhaite terminer quelques lectures avant de m’y plonger, et lire quelques romans que j’ai emprunté, mais il me tarde de découvrir qui est cette fameuse Katie, apparemment aussi douée pour la voyance que pour les coups de marteaux. Je n’ai donc pas pu résister à vous en partager les premières lignes – clairement, la petite Katie prend déjà un mauvais chemin. C’EST BRUTAL, AYEZ LE CŒUR BIEN ACCROCHÉ.
Et bon dimanche à vous.

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PROLOGUE

À la veille de Noël 1863, au plus fort du conflit entre les États du Nord et ceux du Sud, une petite fille de neuf ans nommée Katie Slape était assise devant l’âtre d’une chambre à louer miteuse de Philadelphie. Elle habillait sa poupée de bouts de gaze, de fentelle et de tissu argenté – matériaux étrangement précieux dans cet endroit sombre et sordide.
Le vent froid de décembre s’engouffrait par le conduit de la cheminée et projetait de temps en temps de la suie sur la petite et son jouet. Katie souriait, soulevait sa poupée et en faisait tomber la cendre.
À la table de cette pièce misérable, se trouvait une femme d’une trentaine d’années, aux traits durs, sans la moindre trace de gentillesse dans le regard. Hannah Jepson s’occupait de Katie tandis que sa mère, connue sous le nom de scène de « Mademoiselle Désir », se produisait à l’Olympic Theater. Son père avait été engagé comme « sauvage du rail », soit pour bâtir des voies ferrées pour la Grande Armée de l’Union en Pennsylvanie et dans le Maryland, soit pour saboter celles des rebelles en Virginie et dans le Tennessee. Katie ne l’avait pas revu depuis plus d’un an.
Par terre, à côté de Hannah Jepson, se trouvait un cageot dans lequel jappaient et chahutaient huit bébés caniches ; et sur la table, un grand pichet de l’alcool le moins cher du marché. Hannah y prélevait le liquide toxique à l’aide d’une seringue, puis prenait un chiot sur ses genoux avant d’expédier la dose dans sa petite gorge. Elle répétait la manœuvre avec chaque caniche. Les chiots s’étouffaient et chouillaient sur son tablier en luttant contre sa poigne vigoureuse – mais la majeure partie du liquide restait dans leurs ventres ballonnés.
« Pourquoi tu fais ça ? lui demanda Katie.
— Ça les empêche de grandir, répondit-elle sèchement.
— Pourquoi tu veux les empêcher de grandir ? insista la petite.
— C’est pour les dames de la haute. Elles veulent pas de chiens plus gros que ça. Donc, j’arrête leur croissance. Tu leur donnes du gin, et ils grandissent plus. Ceux qui survivent », dit-elle en haussant les épaules.
Katie observait l’opération avec beaucoup d’intérêt.
« Tu as déjà vu M’man danser ?
— Non, répondit la femme.
— Quand P’pa était là, on allait la voir tous les soirs, dit Katie en désignant sa boîte avec les bouts de tissus. Ça vient de ses costumes. Elle en porte de très beaux, soupira-t-elle. Regarde, j’ai habillé ma poupée exactement comme elle. Je l’appelle Mademoiselle Désir, comme sur les affiches. »
Elle montra sa poupée et Hannah hocha la tête. Ce n’était pas vraiment quelqu’un qui appréciait les enfants, mais Katie Slape lui déplaisait moins que la plupart.
« Tu veux m’aider ? », lui demanda-t-elle.
La petite se leva aussitôt. Hannah remplit la seringue de gin et la lui donna. Katie sourit, prit un chiot et lui fourra l’embout dans la gorge. Elle appuya sur la pompe et sourit à nouveau.
L’animal tressauta et se convulsa, ses quater pattes s’écartèrent avec une soudainement comique qui les fit rire gaiement toutes les deux. Puis il recracha le gin sur la robe de Katie ; l’alcool était mêlé de sang.
« T’as poussé trop fort. T’as dû lui faire un trou dans le ventre.
— Ma robe ! s’écria la gamine en baissant les yeux. Ce chien m’a tout sali ma robe !
— Il va pas vivre », dit Hannah en observant le chiot boursouflé.
Katie leva le poing très haut au-dessus de la table et l’abattit sur le ventre offert du chiot. Il y eu une sorte de pop ! et l’animal sembla se dégonfler. De petits filets de sang et d’alcool coulèrent de sa gueule et d’une fissure qui s’était ouverte entre ses minuscules pattes avant.
Katie releva la fenêtre à guillotine battue par le vent et jeta le chiot agonisant dans la cour, deux étages plus bas.
Elle se retourna vers Hannah : « Mais qu’est-ce que M’man va dire pour ma robe ? », demanda-t-elle?

Katie, Michael McDowell, 1982.

Katie

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Premières lignes #416

Bien le bonjour !
Après avoir dévoré le deuxième tome, voici les premières lignes du troisième et dernier de La Maison des Jeux de Claire North. J’espère qu’elles vous donneront envie de découvrir cette passionnante trilogie.
Bon dimanche à vous.

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1.

NOUS VOILÀ arrivés — enfin ! —, nous voilà tout au bout. Nous pratiquons ce jeu depuis si longtemps, vous et moi, sans jamais effectuer le moindre déplacement.
Venez, à présent, venez.
Le plateau est disposé ; les cartes sont prêtes.
Le denier qui a été lancé doit enfin retomber.

2.

ON RACONTE une histoire qui n’en est pas une à propos d’un lieu qui n’en est pas un.
C’est l’histoire de la Maison des Jeux, où viennent s’affronter les plus glorieux, les plus anciens. Venez, rois et généraux, prêtres et empereurs, vous grands industriels et vous femmes de lettres, venez à la Maison des Jeux. Venez vous disputer la maîtrise d’une ville, la conquête d’un pays, la richesse d’une civilisation, l’histoire d’un palais, des secrets d’espions et des trésors de voleurs. Notre échiquier est ici un quadrillage posé sur la Terre ; un coup de dés et des inconnus meurent ; des cartes s’abattent, le denier tourne, tourne, tourne, et, quand nous aurons terminé, des armés seront décimées, le niveau des océans aura monté, et nous aurons gagné, nous vivrons, ou bien nous aurons perdu, nous mourrons. Car la Maison des Jeux ne connaît pas de mise mesquine : on y joue la vie, le temps et l’âme.
Le rideau se lève, la musique se tait et le joueur entre en scène.

La Maison de Jeux, tome 3 : Le Maître, Claire North, 2015.

La Maison de Jeux, tome 3 : Le Maître

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Premières lignes #415

Salutations !
Un peu tardivement ce dimanche, voici le rendez-vous Premières lignes. J’ai opté pour un classique de la fantasy que je n’ai pas encore eu l’occasion de découvrir : Terremer d’Ursula Le Guin.
Belle fin de week-end à vous.

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1

Les guerriers dans la brume

L’île de Gont, formée d’une seule montagne qui se dresse à cinq mille pieds au-dessus des flots tumultueux de la mer du Nord-Est, est une terre renommée pour ses magiciens. Bien des hommes de Gont ont quitté les bourgades de ses hautes vallées, et les ports de ses sombres baies encaissées, pour s’en aller servir les Seigneurs de l’Archipel dans leurs cités, comme sorciers ou comme mages ; d’autres, préférant l’aventure, sont partis voguer d’île en île, pratiquant leur magie d’un bout à l’autre de Terremer.
Certains disent que parmi eux, le plus grand, et sans nul doute le plus intrépide voyageur, fut celui qu’on appelait Épervier, et qui fut en son temps à la fois Seigneur des Dragons et Archimage. Sa vie est contée dans la Geste de Ged et dans bien des chansons, mais ceci est une histoire d’avant sa renommée, avant que les chansons n’aient été écrites.
Il naquit dans un village appelé Dix-Aulnes, perché dans la montagne à l’embouchure du Val du Nord, dont les pâturages et les champs descendent en paliers vers la mer. D’autres bourgades sont nichées dans les méandres de la rivière Ar, mais au-dessus du village lui-même, il n’y a que des forêts qui couvrent crête après crête, jusqu’aux roches nues et aux étendues neigeuses des hauteurs.
Le nom qu’il porta durant son enfance, Duny, lui avait été donné par sa mère, et ce nom ainsi que sa vie furent tout ce qu’elle put lui offrir, car elle mourut avant qu’il n’ait atteint l’âge d’un an. Son père, le fondeur de bronze du village, était un homme sévère et taciturne ; et comme les six frères de Duny, bien plus âgés que lui, avaient l’un après l’autre quitté la demeure familiale pour cultiver la terre, sillonner les mers ou travailler à la forge dans les autres villages du Val, il ne se trouva personne pour élever l’enfant dans la tendresse. Il poussa comme la mauvaise herbe, et devint un grand et fier garçon, au parler fort, au caractère vif et ombrageux. En compagnie des quelques enfants que comptait le village, il commença par garder les chèvres sur les prairies pentues, au-dessus des sources ; puis, lorsqu’il fut suffisamment fort pour actionner les grands soufflets de la forge, son père le prit comme apprenti, à grands renforts de taloches et de coups de martinet. Il n’y avait pas grand-chose à tirer de Duny. Il était toujours par monts et par vaux, s’aventurant au plus profond de la forêt ou nageant dans les bassins de l’Ar qui, comme toutes les rivières de Gont, était rapide et glacée. Ou bien encore il escaladait les falaises et les escarpements pour atteindre, au-dessus de la forêt, un endroit d’où il pouvait apercevoir la mer, ce vaste océan nordique où, passé Perregal, on ne trouve plus aucune île.
L’une des sœurs de sa mère disparue habitait au village. Elle avait pris soin de lui lorsqu’il était bébé, mais elle avait ses propres occupations, et ne lui avait plus prêté attention dès lors qu’il avait pu se débrouiller seul. Mais un jour, ce gamin de sept ans, sans instruction et ignorant tout des arts et des pouvoirs qui règnent sur le monde, entendit sa tante crier quelques mots à une chèvre qui avait sauté sur le chaume d’une hutte et qui refusait d’en bouger – mais elle était bien vite redescendue quand la tante avait prononcé une certaine phrase. Le lendemain, alors qu’il menait ses chèvres à poils longs sur les pâturages de la Grande Chute, Duny leur cria les mots qu’il avait entendus, sans en connaître l’utilité ni le sens, ni même la nature :

Nor esse ma lom
Hiolk han mer hon !

Il cria ce couplet d’une voix forte, et les chèvres vinrent à lui. Elles vinrent rapidement, groupées et en silence, et le fixèrent de la prunelle sombre de leurs yeux jaunes.

Terremer, intégrale, Ursula K. Le Guin, 1977.

Terremer, intégrale

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Premières lignes #414

Salutations !
Nouveau dimanche, nouvelles Premières lignes ! Je vous propose cette fois de découvrir celles de La nuit de Walpurgis de Gustav Meyrink. Au cours de mon week-end à Lyon, je suis tombée sur une boîte à livres et c’est ainsi que j’ai découvert ce roman. Je ne l’ai pas encore commencé si ce ne sont ces premières lignes, pour me faire une idée du livre. C’est un début un peu étrange avec ce chien qui semble indiquer une menace à venir et ces vieilles personnes très aisées qui vivent dans leur monde où l’on ne dit pas les mauvaises choses. Je me demande quel sera l’impact de ces personnages, qui semblent quelque peu particuliers, dans cette histoire.
Bon dimanche à vous.

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I

L’ACTEUR ZRCADLO

Un chien aboya.
Une fois. Deux fois.
Puis, silence total, comme si l’animal tendait l’oreille dans la nuit, aux écoutes de quelque chose qui allait se produire.
« Il me semble que Brock a aboyé » dit le vieux baron Constantin Elsenwanger. « C’est probablement le Conseiller qui arrive. »
« Ce n’est pas, que je sache, une raison pour aboyer » s’exclama sévèrement la comtesse Zahradka, une vieille dame aux boucles d’un blanc de neige, au nez en bec d’aigle avec d’épais sourcils au-dessus de ses grands yeux noirs inquiets. Indignée comme par une inconvenance, elle se mit à battre un paquet de cartes de whist plus rapidement encore qu’elle ne le faisait depuis une grande demi-heure.
« Mais qu’est-ce qu’il peut bien faire toute la sainte journée ? » demanda le médecin de la Cour Thaddée Flugbeil, un homme au visage intelligent, rasé de près, plissé, au-dessus du jabot de dentelle à l’ancienne mode, qui se tenait recroquevillé dans un fauteuil à oreilles en face de la comtesse, pareil au fantôme de quelque lointain ancêtre, ses longues jambes maigres, interminables, remontées jusqu’au menton à la manière d’un singe.
Le « Pingouin », comme l’appelaient les étudiants de Hradschin qui riaient toujours de lui derrière son dos lorsque chaque jour, à midi précis, il montait dans le fiacre fermé dont il faisait d’abord rabattre puis refermer laborieusement la capote avant qu’il pût y installer sa personne de près de deux mètres de haut. L’opération était tout aussi compliquée à la descente, quant la voiture s’arrêtait ensuite quelques centaines de pas plus loin, devant l’auberge « Au Schnell » où le médecin de la Cour, avec les gestes saccadés d’un oiseau, avait coutume de picorer un déjeuner à la fourchette.
« De qui parles-tu » repartit le baron Elsenwanger, « de Brock, ou du Conseiller ? »
« Du Conseiller, naturellement. Qu’est-ce qu’il fait donc toute la sainte journée ? »
« Eh bien il joue avec les gosses de l’Institut Chotek. »
« Avec les gosses au féminin », rectifia le Pingouin.
« Disons qu’il s’amuse avec la jeunesse », intervint sévèrement la comtesse, accentuant chaque mot. Les deux messieurs se turent, confus.
Dans le parc, le chien recommença à aboyer. Cette fois sourdement, presque lugubrement.

La nuit de Walpurgis, Gustav Meyrink, 1917.

La nuit de Walpurgis

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Premières lignes #413

Bien le bonjour, cher·es lecturovores !
Nouveau dimanche, nouvelles premières lignes. Je vous propose aujourd’hui de découvrir celles du tome 2 de La Maison des jeux de Claire North. Rien qui ne divulgâche le tome 1, rassurez-vous ! Si vous avez lu la première novella, vous devinez dont il est question, sinon cela est plein de mystère. Quoiqu’il en soit, ce joueur ou cette joueuse qui s’exprime, qui s’étonne de ne pas avoir été écrasé·e au cours d’une précédente partie, m’intrigue : qui est-ce et quel va être ce grand jeu dont il est question ?
Bon dimanche à vous.

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1.

LE GRAND jeu est pour bientôt.
Pas encore, pas encore, le plateau n’est pas tout à fait prêt, les pièces ne sont pas en place, mais il pour bientôt. Pourquoi ne nous a-t-elle pas détruits ? Elle est si belle, en tout point si gracieuse, pourquoi ne nous a-t-elle pas écrasés quand nous étions tellement plus faciles à écraser ?
Peut-être parce qu’en tout point, le jeu le plus grand est celui qui apporte le plus de plaisir.

La Maison de Jeux, tome 2 : Le voleur, Claire North, 2015.

La Maison de Jeux, tome 2 : Le voleur

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Premières lignes #412

Hello !
Ce coup-ci, ce sont les premières lignes d’une novella que je vous partage. J’en ai entendu beaucoup de bien alors, quand je suis tombée dessus à la médiathèque, je n’ai pas trop réfléchi et je l’ai emprunté. Je vous laisse découvrir le début de L’impératrice du Sel et de la Fortune.
Bon dimanche à vous !

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Chapitre premier

« Quelque chose veut de manger, lança Presque-Brillante, perchée sur un arbre voisin. Je ne lui en voudrai pas s’il y parvient. »
Un tintement. Chih se remit debout et examina soigneusement le cordon de clochettes qui entourait le bivouac. Un instant, elle se crut de retour à l’abbaye des Collines-Chantantes, en retard pour une nouvelle tournée de prières, de corvées et de leçons, mais les Collines-Chantantes n’étaient ordinairement pas baignées d’une odeur de fantôme et de pin humide. On n’y sentait pas se dresser les poils de ses bras en signe d’alarme ni bondir son cœur dans sa poitrine sous l’effet de la panique.
Les clochettes étaient de nouveau immobiles.
« J’ignore ce que c’était, mais le danger est passé. Tu peux redescendre. »
La huppe poussa un gazouillis, qui parvient à exprimer en deux notes tant le doute que l’exaspération. Néanmoins, elle se posa sur la tête de Chih, où elle se balança, mal à l’aise.
« Les protections doivent toujours être en place. Nous sommes très près du lac Écarlate à présent.
— Nous ne serions jamais arrivés si loin si on ne les avait pas neutraliséses. »
Chih y réfléchit un instant, puis enfila ses sandales et se glissa sous le cordon de clochettes.
Effarouchée, Presque-Brillante s’envola dans un tourbillon de plumes avant de redescendre sur l’épaule de l’être humain.
« Adelphe Chih, regagne tout de suite le campement ! Tu vas te faire tuer et je serai obligée de rendre compte à notre Céleste de ton irresponsabilité.
— Je copte sur la précision de ton rapport, rétorqua Chih d’un air absent. Maintenant, chu ! Je crois distinguer ce qui a fait ce raffut. »
La huppe exprima son mécontentement d’un battement d’aile mais enfonça plus fermement ses griffes dans l’habit de Chih. En dépit de sa bravade, celle-ci se sentit réconfortée par la présence de la neixin sur son épaule et elle leva la main pour lui caresser doucement la crête avant de s’avancer entre les pins.

L’impératrice du Sel et de la Fortune, Nghi Vo, 2020.

L’impératrice du Sel et de la Fortune

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Premières lignes #411

Hello !
Pour ces premières lignes, j’ai choisi le prologue de Et, refleurir de Kiyémis qui semble être à la fois un roman et un poème. Il commence d’ailleurs par quelques vers. Je commence ma lecture dans la journée, j’ai vraiment hâte.
Bon dimanche à vous et bonne lecture.

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Certaines nuits accouchent de rêves passagers.
Leur présence est éphémère.
Visiteurs temporaires,
Nichés derrière les yeux,
Ils s’emparent des lieux,
Ne laissent rien derrière eux,
Et lorsque, Au battement de paupières suivant,
Le jour arrive comme un billet retour,
Ils s’évaporent.
Les voilà repartis comme ils sont venus.

Et, refleurir, Kiyémis, 2024.

Et, refleurir

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Premières lignes #410

Bien le bonjour !
Malade, j’ai réussi à me traîner jusqu’à la médiathèque pour emprunter Sous les vents de Neptune ; il me fallait un roman de Vargas entre deux siestes, il me fallait un roman dont je connais les personnages, qui soit simple à lire et qui soit agréable à coup sûr. J’en suis désormais au quart du livre et j’ai bien fait, c’est vraiment ce qu’il me fallait. J’ai donc décidé de vous en partager aujourd’hui les premières lignes qui, si elles signent le début de l’hiver dans le roman, signeront, je l’espère, la fin de cet hiver maussade pour nous.
Bon dimanche à vous, reposez-vous bien 😌

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I

Adossé au mur noir de la cave, Jean-Baptiste Adamsberg considérait l’énorme chaudière qui, l’avant-veille, avait stoppé toute forme d’activité. Un samedi 4 octobre alors que la température extérieure avait chuté aux alentour de 1°, sous un vent droit venu de l’Arctique. Incompétent, le commissaire examinait la calandre et les tuyauteries silencieuses, dans l’espoir que son regard bienveillant ranime l’énergie du dispositif, ou bien fasse apparaître le spécialiste qui devait venir et qui ne venait pas.
Ce n’était pas qu’il fût sensible au froid ni que la situation lui fût désagréable. Au contraire, l’idée que, parfois, le vent du nord se propulsât directement sans escale ni déviation depuis la banquise jusqu’aux rues de Paris, 13e arrondissement, lui donnait la sensation de pouvoir accéder d’un seul pas à ces glaces lointaines, de pouvoir y marcher, y creuser quelque trou pour la chasse au phoque. Il avait ajouté un gilet sous sa veste noire et, s’il n’avait tenu qu’à lui, il aurait attendu sans hâte la venue du réparateur tout en guettant l’apparition du museau du phoque.
Mais à sa manière, le puissant engin terré dans les sous-sols participait pleinement à l’élucidation des affaires qui convergeaient à toute heure vers la Brigade criminelle, réchauffant les corps des trente-quatre radiateurs et des vingt-huit flics du bâtiment. Corps à présent engourdis par le froid, engoncés dans des anoraks, s’enroulant autour du distributeur à café, appliquant leurs mains gantées sur les gobelets blancs. Ou qui désertaient carrément les lieux pour les bars alentours. Les dossiers se pétrifiaient à la suite. Dossiers primordiaux, crimes de sang. Dont l’énorme chaudière n’avait que faire. Elle attendait, princière et tyrannique, qu’un homme de l’art voulût bien se déplacer pour se mettre à ses pieds. En signe de bonne volonté, Adamsberg était donc descendu lui rendre un court et vain hommage et trouver là, surtout, un peu d’ombre et de silence, échapper aux plaintes de ses hommes.

Sous les vents de Neptune, Fred Vargas, 2004.

Sous les vents de Neptune

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