Salut les lecturovores !
Le 1er juin dernier est sorti Les profondeurs de Vénus et, les récits de type Planet Opera me plaisant généralement, sans parler d’Apophis qui en a parlé, ça m’a clairement donné envie de découvrir les premières lignes, que je vous partage donc aujourd’hui. Nul doute que je lirai bientôt ce roman de science-fiction, et vous ?
P.-S. : les mots en italiques suivis d’un astérique sont en québécois.
Le principe : chaque semaine, je prends un livre et je vous en cite les premières lignes du récit. Pensez à mettre le lien de votre RDV en commentaire de l’article ou, si vous avez une page ou une catégorie dédiée, n’hésitez pas à me le faire savoir ; cela facilitera l’actualisation.
N’oubliez pas de me citer, ça fait toujours plaisir ♡
1.
1er mars 2255 (È.C.), quarante-cinq kilomètres au-dessus de la surface de Vénus :
« On peut peut-être encore le rapiécer », dit son père en français par radio.
Des éclairs distants crépitèrent dans la bande radio. Des gouttes d’acide sulfurique s’écrasèrent sur la visière du casque de Pascal. Ils baignaient dans une brume jaune. Les orages commençaient rarement si profond sous les nuages, mais les plus gros pouvaient se frayer un chemin jusque-là.
« Je nous donne cinq minutes, dit Pascal, dix maximum.
– Donne-m’en une ! »
Il sentit un frisson de peur dans son abdomen. Ils jouaient avec le feu, malgré ses estimations.
Il se tenait sur la tête d’une des grandes plantes vénusiennes qui vivaient dans les nuages, ce qu’ils appelaient un chalutier. Toute la flottabilité de la plante lui venait de cette tête bulbeuse d’environ cinq mètres de large. Dessous pendaient une longue queue, quarante mètres de fibre de carbone terminés par un lest en bois. Les chalutiers se promenaient dans les nuages de Vénus, voire dans la brume brûlante en dessous, leurs longs câbles en carbone attirant les éclairs et amassant des charges d’électricité statique.
Georges-Étienne et ses enfants possédaient une douzaine de ces chalutiers, rassemblés en une flotte très étendue par des voiles réglables fixées sur leurs têtes. Des greffes de matériel supplémentaire les avaient tous transformés en usines minuscules. Les citernes et l’équipement hydrolique de celui-là permettaient d’obtenir de l’eau par craquage de l’acide sulfurique. Il n’aurait pas dû plonger autant, mais ses pompes ligneuses tombaient en panne. Même si Pascal pouvait en traverser le sommet d’un bout à l’autre en cinq grandes enjambées, c’était une île, extrêmement précieuse pour survivre dans les nuages. Et cette île n’allait pas tarder à disparaître.
« Minute !* dit Pascal.
– Câlisse !* jura son père.
– Sauvons ce qu’on peut sauver. »
La brume était impénétrable. Le soleil brillait d’un orange spongieux, à cet endroit-là, et la visibilité se dégradait fortement au-delà de mille mètres. Peut-être un orage sévissait-il juste à côté d’eux sans qu’ils n’en voient rien. Un éclair crachota dans la bande radio et le grondement du tonnerre parvint peu après jusqu’à eux.
« Tabarnak !* jure de nouveau Georges-Étienne. Bon, d’accord. Passe-moi une corde. »
La situation ne préoccupait pas moins Pascal. Ils vendaient de l’oxygène, de l’eau et les métaux lourds qu’ils récupéraient dans les cendres volcaniques au sein de la couche de nuages inférieure, mais acheter un nouveau chalutier était au-dessus de leurs moyens et en apprivoiser un sauvage n’avait rien de facile. Perdre celui-là ne ferait que les rendre d’autant plus pauvres.
Pascal attacha la corde par son milieu au mât qui se dressait au sommet du chalutier, en fit descendre une extrémité à Georges-Étienne tandis qu’il nouait l’autre à un sac gonflable. La moitié inférieure ne tarda pas à se tendre, écrasant en partie les mauvaises herbes noires toutes en longueur qui colonisaient l’extérieur des chalutiers.
Les profondeurs de Vénus, Derek Künsken, 2020.

Les profondeurs de Vénus
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