Premières lignes #425

Salutations !
Aujourd’hui, je vous propose de découvrir les premières lignes d’un court roman : Poupée Bella de Nina Bouraoui. On entre dans une ambiance, un univers où les femmes vivent la nuit. J’ai envie d’en savoir plus sur le lieu tout comme j’ai envie de savoir si la narratrice trouvera ce qu’elle cherche.
Bonne fin de semaine à vous et bonne lecture !

Le principe : chaque semaine, je prends un livre et je vous en cite les premières lignes du récit. Pensez à mettre le lien de votre RDV en commentaire de l’article ou, si vous avez une page ou une catégorie dédiée, n’hésitez pas à me le faire savoir ; cela facilitera l’actualisation.
N’oubliez pas de me citer, ça fait toujours plaisir ♡

 

Paris, 30 octobre 1987

Je veux une arme pour me défendre, je veux le plus beau corps de la terre, je veux que le ciel de la nuit me protège, j’ai de la folie dans la tête, j’ai de l’or entre les mains, je suis une femme, je suis un homme, je suis tout, je ne suis rien, je déteste les filles qui font trop filles, je n’ai rien d’une fille normale, je perds ma voix, je gagne un cœur, je bois une bière glacée, je danse seule devant le miroir de la chambre, je n’ai rien de silencieux en moi, tout bouge, tout crie, tout se déplace, je quitte la vraie vie, je suis un secret, avant j’entendais : Elle a un drôle de visage, elle a un regard qui dérange, elle n’est pas douce, elle a l’odeur d’un garçon, elle s’habille n’importe comment, elle a une beauté spéciale, on ne sait pas ce qu’elle deviendra ; je sais nager, je sais écrire, je saurai aimer. Le jardin du Luxembourg est fermé, j’entends le bruit des feuilles, j’entends le bruit du vent dans les arbres, j’entends la ville et je ne suis plus dans la ville, il n’y a que mon corps, il n’y a que mon désir, je suis la Missy de Colette, je suis la Thérèse de Carol, je suis si petite, je suis immense dans la nuit, je sais et je ne sais pas, je peux et je ne peux pas, j’entre avant minuit au Katmandou, club féminin, j’entre sous la terre, j’entre dans mon corps,  la nuit est un brasier. C’est l’odeur, d’abord, l’odeur des corps, je marche, je suis immobile, je cherche quelqu’un, je cherche une fille, c’est un terre étrangère, ici, c’est la voix d’une femme – 80 francs, la boisson est comprise –, ce sont les yeux, ce sont les mains, les petites marches à monter, c’est un spectacle, c’est le Milieu des Filles, je suis dans la forêt, je suis dans les sables, avant je n’avais peur de rien, avant je prenais des trains dans la nuit, je suis dans ma demeure, c’est le Katmandou, ce n’est pas Bilitis, ce n’est pas Patricia Highsmith, je ne sais pas si je dois danser, je ne sais pas si je dois boire, je ne sais pas si je peux fumer, je ne veux plus rentrer chez moi, je veux savoir, combien je vaux, combien je peux espérer de ce corps-là, j’ai peur des femmes, je ne sais plus danser, il y a cette chanson de Stephan Eicher, Combien de temps, et à moi, combien faudra-t-il de temps pour trouver, pour être choisie ? Je pourrais embrasser n’importe qui. Je ne veux juste une voix qui répétera mon prénom.

Poupée Bella, Nina Bouraoui, 2004.

Poupée Bella

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