Algues vertes, l’histoire interdite

Algues vertes, l'histoire interdite

Résumé de la maison d’édition :

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Mon avis :

Les algues vertes, c’est l’un des sujets de l’été avec la sortie du film Les algues vertes (réalisé par Pierre Jolivet) qui, au passage, remet en avant la bande dessinée Algues vertes, l’histoire interdite (2019, dessinée par Pierre Van Hove et mise en couleur par Mathilda) ainsi qu’un documentaire sur France Culture (le lien). Il y a quelques années, Inès Léraud a commencé son enquête. Il faut dire qu’avec plusieurs morts, des autorités qui se taisent, des menaces, etc. il y a de quoi faire, beaucoup à raconter.
J’en avais entendu parler, à l’époque, quand Inès Léraud, journaliste, a sorti ses premiers articles sur le sujet. Cela m’a marquée parce que, ces algues (ulva armorica), je les ai déjà vues, j’ai même joué avec (en toute petite quantité, ce n’est pas un danger) en Bretagne. Car c’est là que toute cette histoire se déroule. En 2015, on estimait que les cochons étaient deux fois plus nombreux que les Breton·nes ; 58% de la production française de cochon charcutier est en Bretagne, pour 6% de la surface agricole utile nationale (on va y revenir plus tard). Ca m’a marquée aussi parce que j’ai grandi non loin d’un abattoir et que je voyais régulièrement passer les camions qui transportaient les cochons vers ces lieux de mort, tantôt blindés d’animaux, tantôt vides. La BD Algues vertes, l’histoire interdite a pour moi été l’occasion de mettre mes connaissances à jour, de savoir quels ont été les tenants et les aboutissants de cette enquête journalistique. Je me suis rendue compte que je ne savais pas tant que ça de choses sur le sujet. Je savais pour l’histoire du vétérinaire, pour le transporteur d’algues et pour les chiens, c’est tout.

La BD se découpe en plusieurs chapitres et le premier met en avant le lanceur d’alerte Pierre Philippe, médecin urgentiste. En 1989, il rencontre son premier cas, un joggeur décédé alors qu’il courait sur une plage à Saint-Michel-en-Grève. Trouvant la mort suspecte, il fait remonter l’information et ses observations aux instances (dont j’ai oublié le nom – il y a tant d’informations, je n’ai pas pu tout retenir, vous m’excuserez). En 2009, quand un vétérinaire est intoxiqué lors d’une promenade sur la plage et que son cheval meurt, c’est déjà le troisième cas lié aux algues vertes que Pierre Philippe observe. En 2008, deux grands chiens d’une vétérinaire sont morts eux aussi lors d’une balade sur la même plage ; elle était en tort, les chiens sur la plage ne sont pas autorisés, il n’y aura donc pas de procès. Depuis le début, les autorités esquivent, nient. Quand le médecin urgentiste fait mention d’un courrier qu’il a envoyé par le passé, on lui dit que non, il n’y a rien eu. En 2009 toujours survient la mort de Thierry Morfoisse. Il venait de déposer son troisième chargement d’algues vertes en déchetterie (il faut bien nettoyer les plages) quand il a fait un malaise et est mort sur la route. Les analyses montreront une grande concentration de H2S dans le sang ; c’est du sulfure d’hydrogène, c’est très toxique et mortel. Mais la poche de sang qui a servi à l’analyse n’a pas été conservée dans de bonnes conditions ; et si son malaise était dû à la vie qu’il mène, mangeant mal et fumant ? ; l’autopsie ne révèle rien (réalisée deux mois plus tard, il est impossible de déceler une quelconque intoxication) ; etc. On contourne, on nie, on évite de parler des algues vertes.
Les incidents, parfois mortels, dont je viens de vous parler, sont une petite partie de ce qu’aborde la première partie de la bande dessinée. La raison est simple et on en revient aux cochons : l’agro-alimentaire. Je raccourcis volontairement l’explication car je ne suis pas une spécialiste et que tout est parfaitement expliqué dans Algues vertes, l’histoire interdite : beaucoup de cochons, ça fait beaucoup de déjections. Or cela se retrouve dans les nappes phréatiques, et où s’écoulent-elles ? Dans la mer. Ainsi les nitrates et phosphates issus de l’agriculture se retrouvent à fertiliser ces fameuses algues qui, en importantes quantités, macèrent et relâchent un gaz toxique. Est-ce donc la faute des agriculteurs ? Non, ils sont prisonniers d’un système mis en place sur des décennies et, si ça partait d’une bonne idée, elle semble avoir été sacrément dévoyée, au profit de quelques puissants, au détriment des petits agriculteurs qui triment et ont du mal à s’en sortir. Je vous invite vivement à lire la BD pour en apprendre d’avantage car c’est très bien expliqué (bien que cela tourne essentiellement autour des algues, puisque c’est là le sujet principal). Quoiqu’il en soit, l’agriculture intensive est donc directement responsable des marées vertes.

Il faut lire Algues vertes, l’histoire interdite, c’est une évidence, mais il faut aussi prendre conscience que notre modèle d’agriculture n’est pas viable et que le capitalisme y est bien pour quelque chose. Les bonnes idées ne sont pas forcément les meilleures toutefois, ici, il y a tout à repenser, à refaire. Ainsi pourrais-je conclure en vous disant que c’est une bande dessinée et une enquête d’utilité publique.
Bonne lecture à vous.

Prix Ethique 2021 – Anticor / Prix de la BD Bretonne 2020 -Penn Ar BD / Prix du Journalisme 2020 – Assises Internationales de Tours / Prix Les Mémoires de la mer 2020 / Prix de la BD sociale et historique 2020.

Algues vertes, l’histoire interdite, Inès Léraud, Pierre Van Hove et Mathilda Delcourt • 2019 • 160 pages • 21,90€ • Genre : enquête, algues vertes • ISBN : 9782413010364

9 réflexions sur “Algues vertes, l’histoire interdite

  1. Lullaby dit :

    J’ai lu cette BD à sa sortie, à la bibliothèque, et je plussoie : c’est d’utilité publique ! je ne connaissais pas vraiment tout ça et la BD est aussi précise que claire dans son propos, avec des sources si on veut creuser, bref, à lire !
    Depuis, quand je vais à la plage et que je vois quelques algues vertes, ou les traces des machines qui les ont ramassées, je repense à tout ça…

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  2. Hilde dit :

    J’ai vu le film hier soir, quel combat pour faire éclater la vérité !
    C’est un sujet dont j’avais peu entendu parler et pourtant on vit en Bretagne depuis plus de dix ans ! C’est fou ! Il ne me reste plus qu’à découvrir la BD, déjà dans la bibliothèque. Mr Hilde a de l’avance sur moi.

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