Premières lignes #363

Bien le bonjour !
Pour ces nouvelles premières lignes, je vous partage celles de La Malnata. Le roman sort le 22 mars, c’est le premier de Beatrice Salvioni et il me fait très envie. C’est l’histoire d’émancipation de deux adolescentes vivant dans l’Italie fasciste. Le récit commence de façon brutale et nul doute que ce genre de situation doit créer des liens.
Bonne lecture et bon dimanche à vous 📖

Le principe : chaque semaine, je prends un livre et je vous en cite les premières lignes du récit. Pensez à mettre le lien de votre RDV en commentaire de l’article ou, si vous avez une page ou une catégorie dédiée, n’hésitez pas à me le faire savoir ; cela facilitera l’actualisation.
N’oubliez pas de me citer, ça fait toujours plaisir ♡

 

PROLOGUE

Ne le dis à personne

C’est difficile de se dépêtrer d’un corps mort.
Je l’ai découvert à douze ans, le nez et la bouche en sang, la culotte entortillée autour d’une cheville.
Les cailloux de la rive du Lambro me rentraient dans la nuque et les fesses, acérés comme des ongles, mon dos était plongé dans la boue. Son corps encore chaud, tout en angles vifs, me pesait sur le ventre. Ses yeux étaient luisants et vides, son menton maculé de salive, et sa bouche sentait mauvais. Avant de tomber, il m’avait fixée, le visage contracté par la peur, une main plongée dans son caleçon, les pupilles dilatées.
Il s’était effondré sur moi, ses genoux pressant encore mes cuisses qu’il avait tenues écartées. Il ne bougeait plus.
– Je voulais seulement qu’il arrête, dit Maddalena en se touchant la tête à l’endroit où le sang et la boue s’étaient coagulés dans ses cheveux. C’est lui qui m’a obligée.
Elle s’approcha dans sa robe légère qui lui collait à la peau, dessinant les contours de son corps sec et nerveux.
– J’arrive, dit-elle. Ne bouge pas.
Mais pour moi, il n’était pas question de bouger pour l’instant : mon corps était devenu une chose oubliée et lointaine, comme une dent tombée. Je sentais seulement le goût du sang sur mes lèvres et sur ma langue, et j’avais du mal à respirer.

La Malnata, Beatrice Salvioni, 2023.

La Malnata

Les blogueurs et blogueuses qui y participent aussi :

10 réflexions sur “Premières lignes #363

Laisser un commentaire