I’m every woman

I’m every woman

Résumé de la maison d’édition :

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Mon avis :

Si j’avais beaucoup aimé Les sentiments du prince Charles de Liv Strömquist, je suis cette fois plus mitigée. Par ailleurs, des ami·es avec qui j’en ai parlé sont assez d’accord pour dire que Les sentiments du prince Charles est sa BD la plus aboutie (je ne me prononce pas, n’en ayant lu que deux).
Dans I’m every woman, Liv Strömquist parle notamment des relation bien pourries de femmes avec des hommes célèbres. Elle s’appuie pour cela sur pas mal de biographies. Ainsi est-il question de Britney Spears, de « Madame Jackson Pollock » (de son vrai nom Lee Krasner, elle-même artiste), de Priscilla Presley, de Nadejda Allilouïeva-Staline, de Yoko Ono… Ce qui est intéressant ici, c’est de voir de comment ces femmes se sont retrouvées, d’une façon ou d’une autre, opprimées, muselées au sein de leur couple. Ainsi Lee Krasner devait s’occuper de Pollock qui était alcoolique ; elle a fait tout un travail de valorisation de l’œuvre de son époux et, tandis que celui-ci peignait dans un gigantesque atelier, Krasner devait se contenter d’une petite chambre pour travailler son art (la peinture, comme Pollock). Priscilla rencontre Elvis Presley quand elle n’a que 14 ans – lui en a 24. Priscilla Presley doit suivre des cours dans une école catholique pour filles afin, semble-t-il, de devenir une parfaite épouse. Quand le couple commence à vivre ensemble, elle prend des médicaments pour suivre le rythme de vie imposé par Elvis (tenir jusqu’au bout de la nuit, être d’attaque pour aller en cours le matin) ; elle doit rester à Memphis tandis qu’Elvis est à Hollywood durant des mois et qu’il fréquente d’autres femmes ; etc. Pour ce qui est de Nadejda Allilouïeva-Staline, mariée à Staline, elle s’efforçait d’être la parfaite épouse communiste : pas de bijoux, des vêtements sobres, pas de maquillage, etc. Elle était apparemment assez jalouse mais Staline s’en moquait et ne manquait pas l’occasion de flirter avec de jeunes actrices (vêtues élégamment, apprêtées, bourgeoises – la bourgeoisie étant pourtant l’une des choses contre lesquelles Staline et son parti luttaient). Nadejda se suicide à l’âge de 31 ans (à noter que la deuxième épouse de Staline se suicidera elle aussi). Mais avant de parler de ces femmes, Liv Strömquist évoque les cinq « pires petits amis de l’Histoire » : Edvard Munch, Mao Zedong, Ingmar Bergman, Percy Shelley et Phil Spector. Mon but ici n’est pas de vous résumer la vie de toutes ces personnages, je vous laisse le loisir de découvrir tout cela. En revanche, cela met clairement en exergue la volonté de l’autrice de s’appuyer sur des vécues, mais aussi sur des réflexions, des sujets étudiés par diverses figures et qui ont un écho en elle. C’est le cas par exemple du couple (et, par extension, de la famille nucléaire) traité par Voltairine de Cleyre.
Voltairine de Cleyre était une anarchiste américaine qui luttait contre la société de consommation, contre la prison et contre le couple ; c’est ce dernier point qui intéresse ici Strömquist et c’est probablement ce que j’ai trouvé le plus intéressant dans I’m every woman, d’autant plus que ça m’a donné envie de découvrir de Cleyre par moi-même. Pour faire simple, la militante anarchiste souligne que le mariage permet l’esclavagisation des femmes : tenir la maison, procréer (on parle aussi là des viols conjugaux) et s’occuper des enfants, tenir le foyer… Certes, Voltairine de Cleyre est une femme de la fin du XIXe siècle, pourtant ce n’est pas si vieux. Là, je résume très grossièrement mais, comme je l’ai dit un peu plus haut, c’est très intéressant et, en plus, tout cela l’amène à repenser le couple autrement.
En parlant de couple et de famille nucléaire, parlons des enfants puisque Strömquist leur réserve tout un chapitre ! Définissons d’abord a famille nucléaire : un père, une mère, des enfants. Et c’est apparemment tout ce que n’aime pas l’autrice, et surtout les enfants. C’est là que son discours se retrouve peu fouillé (voire pas du tout). Commençons par le titre du chapitre : « Les enfants sont des ultra-conservateurs ». Passons aux exemples donnés par Liv Strömquist : les enfants ne veulent pas que leurs parents se séparent, même si maman est triste, même si papa tape maman ; les enfants ne veulent pas que les adultes s’embrassent, fument ou boivent ; les enfants veulent que leur mère soit à la maison quand ils en ont besoin (pour préparer le goûter, etc.) ; les enfants n’aiment que l’art figuratif alors que, oh là là, Picasso, quel génie ! (c’est l’exemple que donne Strömquist) ; les enfants adulent les classent supérieurs (ils veulent qu’on leur lise des histoires de princesses sauvées par des chevaliers, ils veulent être habillés en princesses pour les filles, probablement en preu chevalier pour les garçons). En dehors de la question de l’art dont je n’ai pas compris le rapport (et pour l’anecdote, malgré des études d’art, etc., je n’ai jamais aimé Picasso et son œuvre), le reste n’est-il pas une question d’éducation ? (L’art aussi, cela dit, ça s’apprend.) Et s’il n’y avait que ce chapitre à être aussi bancale !
Liv Strömquist parle de Britney Spears. I’m every woman est sorti en 2018 donc nous n’en étions pas à toute cette médiatisation autour de la tutelle injuste et injustifiée subie par la chanteuse. Toutefois, dans la BD, on nous montre direct le burn-out de Britney Spears en indiquant qu’elle s’est rasée le crâne et qu’elle a agressé des journalistes avec un parapluie (sans contexte à tout cela). Ensuite, Strömquist nous explique que, si Britney Spears est tombée amoureuse de Kevin Federline, c’est parce qu’il était inaccessible : il était en couple et sa compagne attendait un deuxième enfant. Comme elle était jalouse, leur histoire s’est mal passée et vous connaissez la suite (séparation, garde d’enfants…). Peut-être, c’est possible que ça se soit déroulé ainsi, je connais mal cette histoire. Toujours est-il que, au contraire des autres femmes dont il est question dans la BD, j’ai eu l’impression que la vie de la chanteuse était traitée par-dessus la jambe : les propos sont réducteurs, simplistes. La seule chose intéressante et à retenir de ce chapitre, c’est une citation de Toni Morrison : « L’amour romantique est l’idée la plus destructrice de l’histoire de la pensée humaine ». Toujours est-il que je continue de m’interroger : pourquoi Britney Spears n’est-elle pas traitée comme les autres femmes de ce livre (car c’est bien l’impression que ça me donne) : avec empathie, en étant clairement de son côté ?

Pour conclure, I’m every woman propose des choses intéressantes, dommage que certaines idées ne soient pas approfondies et que d’autres soient totalement à côté de la plaque. Pour le coup, cette BD de Liv Strömquist m’a plutôt déçue. Si vous voulez découvrir son travail, encore une fois, je vous conseille Les sentiments du prince Charles.
Bon week-end et bonne lecture à vous ☀️ 

I’m every woman, Liv Strömquist • Titre VO : I’m every woman • Traduction : Kirsi Kinnunen • Editions Rackham • 2018 • 112 pages • 18€ • Genre : BD, relations de couple, femmes • ISBN : 9782878272215

13 réflexions sur “I’m every woman

  1. Dal_eg dit :

    J’aie chacune de ses BD ; je suis contente de la revoir sur la blogo. j’ai vu qu’elle sortait une nouvelle BD en français, j’ai hâte de la lire 🙂 Bonne soirée

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  2. Dal_eg dit :

    (j’ai*)
    Alors toutes sont intéressantes et abordent les mêmes thèmes d’un angle différent : le féminisme, l’histoire du féminisme, le patriarcat, les relations hétérosexuelles. J’ai préféré L’origine du monde et I’m every woman. J’ai bien aimé les autres mais Grandeur et décadence est surtout intéressante économiquement parlant au contraire des autres qui sont davantage sociologiques (Les sentiments du prince Charles, La rose la plus rouge s’épanouit – que je dois d’ailleurs relire car lu dans un mauvais mood ^^). Après ça dépend toujours de ce qu’on a envie de lire et de ce qu’on a envie de trouver dans les livres qu’on commence 🙂

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  3. juliet595 dit :

    C’est dommage pour ton avis mitigé et le traitement inégal, car l’idée de base était vraiment super intéressante ! Et je me demande, même s’il y a probablement beaucoup moins de cas, si on peut trouver des cas où les rôles étaient inversés (femme importante, époux qui galère)…

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    • Ma Lecturothèque dit :

      On peut sûrement en trouver. D’ailleurs, l’un des chapitres que j’ai apprécié même si ça ne m’a rien appris, c’est celui sur l’inversion des genres, justement. Il y a des gens qui ont tendance à dire que, si c’est une femme à la tête d’un pays, d’une entreprise, etc., ça se passera mieux parce que les femmes sont plus douces (ben voyons). Evidemment, c’est faux et, que ce soit une femme ou un homme ne change rien aux choses ! C’est la personne qui peut faire la différence, pas son sexe.

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