Classer, dominer – qui sont les « autres » ?

Classer, dominer – Qui sont les « autres » ?

Quatrième de couverture :

L’idéologie dominante nous enjoint de tolérer l’Autre. Il est question dans ce livre de divers Autres, de groupes opprimés et stigmatisés, les femmes, les homos, les Arabes, les Noirs… Leurs modes d’oppression ont un point commun : leur statut inférieur s’explique par leur altérité. S’ils sont là où ils sont – en bas – c’est parce qu’ils sont différents. L’injonction humaniste à les tolérer émane des Uns, ceux qui ont le pouvoir de les nommer, de classer, d’envoyer des groupes entiers dans une catégorie idéologique et matérielle, celle qui englobe tous les Autres. La révolte des Autres est tenue pour une menace contre l’universel des Uns – les hommes blancs hétérosexuels – prétendent incarner, en fondant par là leur pouvoir : l’opprimé n’est tolérable que s’il sait se montrer discret.
Parité, combats des féministes et des homosexuels, Afghanistan, Guantanamo, loi sur le voile, Indigènes dans la société postcoloniale : autant de marqueurs de la domination, que ce livre décrypte à rebrousse-poil des interprétations convenues.

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Mon avis :

Je ne vais pas vous mentir, il y a bien plus de choses à dire sur ce livre que ce que je ne fais dans ma chronique. Mais voilà, c’est un essai et, en plus de développer des idées et de présenter des faits, comme tout autre essai, il invite à la réflexion, à se questionner et questionner le monde dans lequel nous vivons… sauf que je ne suis pas là pour vous faire une dissertation, simplement une chronique pour vous expliquer pourquoi j’ai aimé Classer, dominer – Qui sont les autres ? de Christine Delphy.
Pour commencer, si Classer, dominer a été publié en 2008, il est bon de noter qu’il s’agit d’un regroupement de textes, d’articles et de discours de Delphy rédigés ou prononcés entre 1996 et 2006, et ils reviennent sur les événements et lois qui faisaient l’actualité. De fait, ça m’a beaucoup parlé car j’ai vécu ces choses et je commençais à les comprendre, de mon jeune âge. Je pense notamment aux attentats du 11 septembre 2001 et tout ce qui en a découlé. De lire cet essai vingt ans plus tard, ça m’a permis d’avoir un recul sur les événements et plus de maturité. Je pense que pour les personnes qui étaient encore des nourrissons à l’époque, le livre va peut-être parfois paraître opaque – pas difficile à comprendre, mais d’une époque lointaine. Toutefois, je le pense accessible à toutes et tous, déjà parce que ce qui y est écrit est simple à comprendre et, à part le début où certains paragraphes méritent un peu de concentration, il se lit bien, il n’y a pas de notions abracadabrantesques… C’est le type d’essai par lequel il est simple de débuter si vous n’avez pas l’habitude de lire ce genre de livre. Et, maintenant que j’y pense, je crois que les touches de sarcasmes (très plaisantes) y sont un peu pour quelque chose, ajoutant une petite pointe d’humour à un sujet lourd.
« Qui sont les autres? » interroge le titre et Delphy y répond dès le début de l’ouvrage : ce sont les personnes qui ne sont pas dans la norme. Quelle est cette norme ? L’homme blanc hétéro (aujourd’hui, nous rajouterions « cisgenre »). Je ne me souvenais pas du résumé et j’ai été surprise que la sociologue nous y réponde si vite ; de quoi allait-elle bien pouvoir nous parler par la suite ? Eh bien elle nous donne des exemples d’oppression des Uns sur les Autres par le biais de l’actualité, que ce soit le droit des hétérosexuel·les à s’afficher en public, se marier… contrairement aux homosexuel·les (les choses ont certes évolué depuis, mais ce n’est pas encore ça), que ce soit les droits que s’octroie un pays (les Etats-Unis d’Amérique) sur des personnes qu’il emprisonne, torture, etc. (Guantanamo), que ce soit les pouvoirs des Blanc·hes sur les Noir·es, etc. Il y a énormément de sujets qui sont traités et ils sont tous très intéressants et pertinents. Si le chapitre sur les homos m’a moins passionnée que d’autres, celui sur le voile m’a beaucoup plu (rappel du contexte : au début des années 2000, l’Etat français a fait passé une loi sur le port du voile et c’était, de ce qu’il s’en disait, une question de laïcité).
Bien sûr et hélas, subir une oppression n’empêche pas d’en subir une autre (ou d’autres). Vous pouvez très bien être une femme (l’Autre des Uns, les Uns étant les hommes) et noire (les Un·es étant les Blanc·hes), etc. Classer, dominer est riche d’informations, de réflexions, et pourtant il se contente de quelques oppressions ; il n’y est pas question de classe, de validisme, etc. Si on voulait parler de tout, je pense qu’il faudrait bien dix essais de ce format, et ce ne serait probablement qu’effleurer certains points ! Cela dit, celui-ci nous permet déjà de réfléchir et rien n’empêche de s’interroger sur d’autres sujets par la suite. A dire vrai, je trouve que là est tout l’intérêt d’un essai : une fois lu, on y pense encore, on envisage différemment les choses…
Enfin, je partage avec vous une chose qui me semble essentielle de retenir de Classer, dominer : nous vivons dans un système oppressif et, par conséquent, nous ne sommes jamais neutre. Qu’on le veuille ou non, nous sommes toujours dominant·es et dominé·es.

Bonne lecture à vous, et bonne réflexion.

Classer, dominer – qui sont les « autres » ?, Christine Delphy  La Fabrique • 2008 • 228 pages • 12€ • Genre : essai, oppressions • ISBN : 9782913372825

 

9 réflexions sur “Classer, dominer – qui sont les « autres » ?

  1. Vampilou fait son Cinéma dit :

    Tu as bien raison, je pense que c’est à chacun de nous de nous faire notre opinion sur cet essai, parce que la réflexion est propre à chacun ! En tout cas, ça me semble extrêmement intéressant 😃

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  2. Ada dit :

    Oh, je l’ai lu il y a quelques années mais comme ça fait un moment, je n’ai pas osé en faire une chronique. Bravo, tu as bien tout résumé dessus ! Il faudrait que je le relise… (qu’est-ce que je ne dois pas relire en fait ?)

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  3. alirosalys dit :

    Je ne lis pas beaucoup d’essais de base. Celui-ci a l’air vachement complexe, ce n’est pas un sujet qui me parle, toutefois ta chronique est super bien rédigée ! 🙂

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