Riot Grrrls – Chronique d’une révolution punk féministe

Riot Grrrls – Chronique d’une révolution punk féministe

Quatrième de couverture :

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Mon avis :

Riot Grrrls est un livre un peu particulier. En effet, son autrice, Manon Labry, en fait un mélange entre l’essai et l’historique sous forme d’une sorte de long fanzine. Ca donne un texte cash, facile à lire, dans lequel on ne s’ennuie pas une seule seconde. Toutefois, ce n’est pas un bouquin que je mettrais entre les mains de tout le monde.
J’ai découvert le punk féministe il y a une bonne dizaine d’années avec notamment Bikini Kill et L7 (rien à voir avec les L5, croyez-moi). Pour autant, je ne m’étais jamais vraiment tournée vers l’étude de ce mouvement ; le fait que ce soit féministe et politique me suffisait, comme de savoir que, pendant les concerts, les femmes étaient invitées à occuper le devant de la scène. Il y a quelques années, Riot Grrrls a rejoint ma pile à lire et l’occasion était donc enfin là : j’allais pouvoir en apprendre d’avantage sur le mouvement riot grrrl. Bon, cela m’aura encore pris quelques années de plus mais c’est enfin chose faite (évidemment, sinon je ne vous en parlerais pas ici). Je ne vais pas vous faire un récapitulatif complet du mouvement riot grrrl. Ce n’est pas mon job et Labry le fait très bien. A la place, je vais plutôt vous dire comment elle en parle et essayer de vous instiller l’essence de cette révolution punk féministe.
Le ton du livre m’a surprise. J’ai l’habitude de lire des textes de cette collection – « Zones » des éditions La Découverte – et le ton est parfois très académique (Se défendre – Une philosophie de la violence d’Elsa Dorlin) ou, plus généralement dans ce que j’ai lu, très accessible (Sorcières, la puissance invaincue des femmes de Mona Chollet). Or, dans Riot Grrrls – Chronique d’une révolution punk féministe, nous sommes bel et bien dans un texte qui est une thèse (on pense donc à un certain académisme), mais il présenté sous une forme très personnelle, avec sincérité et panache, avec gouaille. Et ce n’est pas sans rappeler les fanzines. Je ne sais pas si vous en avez déjà lu. Ce sont des « zines », des magazines faits maison, dans l’esprit DIY : on les crée, on les photocopie et on se les refile, on en échange…, on les lit puis on les diffuse à nouveau… Bien sûr, à l’époque d’un internet généralisé, ça tient désormais du reliquat, toujours est-il que j’ai eu la chance d’en lire il y a quelques années et j’ai beaucoup aimé le concept. Dans les zines, on y trouve des textes personnels, de la fiction, de la poésie, des textes engagés voire de petits essais, on y  trouve des photos, des illustrations, des collages… Et toujours, ou presque, ça nous fait réfléchir. Les typographies utilisées sont diverses, parfois c’est même manuscrit ; les textes sont regroupés et c’est un sacré melting-pot ; il y a clairement une âme qui se dégage des fanzines. Notons également qu’ils sont généralement en noir et blanc (la copie est moins chère).
Un fanzine. C’est un peu ce que fait Riot Grrrls de Manon Labry, bien qu’il s’agisse là d’une thèse qui a été publiée par une maison d’édition. On est loin des moyens DIY mais on reste tout de même dans un marché de niche au vu du sujet. Le ton de l’autrice ne manque pas de verve, le texte est plein de réflexions et il s’appuie sur pas mal de recherches ; on y retrouve des reproduction de photographies, de flyers, de pochettes d’albums ou d’EP (elles aussi faites maison), des extraits de zines, des paroles de chansons, etc. En lisant Riot Grrrls, j’ai eu l’impression de plonger dans une époque révolue et qui m’a pourtant semblé si proche, si vivante (bon, OK, j’ai un peu traîné mes guêtres dans des événements queers et féministes qui auraient pu être les descendants de ceux organisés par les riot grrrls). Surtout, j’ai découvert plein de groupes que je ne connaissais pas (il y a toujours tant à découvrir!) (et je suis loin d’avoir tout écouté pour l’instant) et j’ai (re)découvert le fil rouge du mouvement.
Le mouvement riot grrrl, c’est du punk féministe. Donc c’est politique. C’est pas juste dire au femmes de venir près de la scène : ça, c’est pour que les spectatrices ne viennent plus aux concerts pour tenir la veste de leur conjoint pendant que celui-ci pogote mais qu’elles puissent y assister pleinement ; c’est aussi pour les protéger et pour protéger les groupes (composés essentiellement de femmes) qui se produisent sur scène. Ce sont également les textes qui sont politiques, revendiquant non seulement l’égalité entre les femmes et les hommes, revendiquant la liberté, mais dénonçant aussi le capitalisme, la guerre, etc. Ce mouvement très engagé est également l’opportunité pour les femmes de s’approprier les instruments, d’apprendre à s’en servir alors qu’on les en a maintenu éloignées. Tout ça, ça en fait un mouvement incisif, qui tranche dans le lard avec les moyens du bord, qui dérange avec force et bruit. Malgré toute cette puissance et tout ce qu’il y a à dire de positif sur le punk féministe, Manon Labry n’en oublie pas les quelques écueils.
Comme d’autres mouvements, le riot grrrl prône l’égalité et l’inclusivité. Seulement, on ne peut que remarquer le manque de représentations et c’est ainsi que des personnes racisées se sont levées et ont pointé tout cela du doigt. C’est le cas par exemple de la chanteuse et musicienne Ramdasha Bikceem qui dénonce une homogénéité blanche : le mouvement en appelle au changement mais, au final, ce sont toujours les mêmes personnes que l’on voit, qui sont mises en avant. Dur de se sentir intégrer et apprécier à sa juste valeur quand ce sont des individus qui ne te ressemblent pas que l’on voit partout ; et c’est comme ça que les personnes racisées (et l’on pourrait élargir le champ des représentations tant celles-ci, sans forcément être grossophobes et validistes, sont dans une norme de minceur, de blancheur et de validisme – de moins en moins, mais on est encore loin du compte) ne se retrouvent pas dans un mouvement qui semblait pourtant leur être ouvert. Bien sûr, ce n’est pas là une volonté des groupes du riot grrrl, il n’empêche que c’est un fait.

Comme je vous le disais en introduction, ce n’est pas un livre pour tout le monde. Allez d’abord écouter quelques morceaux de divers groupes, voyez si ça vous plaît et si vous avez envie d’en apprendre plus. En tout cas, en ce qui me concerne, si j’étais parfois un peu perdue entre tous les noms de groupes et d’individus qui ont fait le mouvement (parce qu’il y en a beaucoup, mine de rien), j’ai toutefois trouvé Riot Grrrls – Chronique d’une révolution punk féministe intéressant, référencé et illustré comme il se devait. C’est une véritable lettre d’amour à ce mouvement et je suis bien contente de l’avoir lu !
Bonne lecture et bonne écoute à vous (pensez à monter le son) 🎶 

Riot Grrrls – Chronique d’une révolution punk féministe, Manon Labry La Découverte • 2016 • 139 pages • 16€ • Genre : essai, sous-culture, punk féministe • ISBN : 9782355221057

8 réflexions sur “Riot Grrrls – Chronique d’une révolution punk féministe

  1. Light And Smell dit :

    Un texte qui a l’air d’avoir une présentation atypique, du moins qui me semble plus accessible qu’une thèse classique. Quant à ce mouvement, je ne le connais pas vraiment, mais de ce que tu en expliques, j’en approuve la pensée. Je trouve ça bien qu’on ne tombe pas dans l’idéalisation en évoquant les écueils du mouvement.

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